jeudi 6 juillet 2017

Vente immobilière et garantie des vices cachés (pollution)

Voir notes :

- Rias, D 2017, p. 1889.
- Sizaire, constr.-urb. 2017-9, p. 31.
- RLDC 2017-9, p. 9.
- Bertier-Lestrade, RLDC 2017-11, p. 19.
- Girard, GP 2018, n° 3, p. 27.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 29 juin 2017
N° de pourvoi: 16-18.087
Publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Odent et Poulet, SCP Ortscheidt, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 25 janvier 2016), que, par acte notarié du 14 novembre 2007, M. X... et Mme Y... (les consorts X...) ont vendu à la société civile immobilière Alsel (la SCI), avec l'entremise de la société Andrau immobilier, agent immobilier, le rez-de-chaussée d'un immeuble, où avait été exploité un garage automobile, l'acquéreur ayant exprimé dans l'acte l'intention d'affecter ce bien à l'habitation ; qu'après une expertise attestant la présence dans le sous-sol d'hydrocarbures et de métaux lourds provenant de cuves enterrées et rendant la dépollution nécessaire, la SCI a assigné les consorts X..., les notaires instrumentaires, la société civile professionnelle Z... et la société civile professionnelle A..., ainsi que la société Andrau immobilier, en garantie des vices cachés et indemnisation de son préjudice ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les condamner in solidum avec la société Andrau immobilier à payer diverses sommes à la SCl, alors, selon le moyen :

1°/ que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ; qu'en l'espèce, le vice affectant la chose réside dans la pollution des sols ayant pour origine les cuves ayant servi à l'activité de garagiste ; que, pour juger la clause de non garantie des vices cachés stipulée dans le contrat de vente inopérante, la cour a jugé qu'« Alain X..., vendeur, a été le dernier exploitant du garage précédemment exploité par son père, époux de Mme Y... ; qu'il ne pouvait, en cette qualité, avoir ignoré les vices affectant les locaux » ; qu'en statuant de la sorte tandis que l'activité de garagiste de M. X... impliquait qu'il ait eu connaissance de l'existence des cuves mais nullement de l'existence d'une pollution des sols, la cour d'appel a violé l'article 1643 du code civil ;

2°/ qu'il appartient aux juges du fond qui s'écartent en totalité ou en partie de l'avis de l'expert judiciaire d'énoncer les motifs qui ont déterminé leur conviction ; qu'il ressort du rapport d'expertise de M. Peauger que « la pollution est avérée, confirmée par l'étude ICF faite dans le cadre de la préparation du chantier avant travaux. Il est convenu que les différents intervenants au moment de la vente ne pouvaient diagnostiquer cette pollution » ; qu'en relevant, pour juger que la clause de non garantie était inopérante et que « le vendeur devait garantie à raison des vices cachés, de la pollution engendrée par ces cuves qui se sont révélées fuyardes », que M. X..., vendeur et dernier exploitant du garage précédemment exploité par son père, ne pouvait, en cette qualité, avoir ignoré les vices affectant les locaux sans s'expliquer sur ce qui l'avait conduit à s'écarter du rapport d'expertise sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le vendeur n'est pas tenu des vices dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ; que la cour d'appel a rappelé que « les vices doivent, pour être couverts par la garantie légale, avoir été ignorés de l'acheteur » et a relevé que « lors de la signature de l'acte authentique de vente, il est constant que l'acquéreur […] connaissait l'activité antérieure exercée dans les lieux et que le vendeur connaissait la destination des lieux envisagée par l'acheteur ; que d'ailleurs les photographies en noir et blanc de locaux sombres produites devant la cour par la SCI Alsel, qui affirme que ces photographies ont été prises antérieurement à la vente et que celles-ci lui ont été transmises par son architecte d'intérieur, comme en atteste le courrier les accompagnant, révèlent que les fosses de visite/ vidange des véhicules ainsi que l'ancien pont de levage, nécessaires à l'activité du garage étaient visibles et que l'architecte d'intérieur ayant lui-même visité les lieux antérieurement à la vente, son client était alors en mesure d'apprécier le risque de pollution affectant les lieux à raison de l'activité professionnelle qui y avait été exercée » ; que la cour a donc relevé que l'architecte d'intérieur de l'acquéreur, avait visité les lieux antérieurement à la vente de sorte que son client, la SCI Alsel, était en mesure d'apprécier le risque de pollution ; qu'en jugeant pourtant que le vendeur devait garantie « à raison des vices cachés, de la pollution engendrée par ces cuves qui se sont révélées fuyardes », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1642 et 1643 du code civil ;

4°/ qu'au titre de la garantie des vices cachés, le vendeur qui ignorait les vices de la chose n'est tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente ; que la condamnation à réparer un dommage nécessite l'établissement d'un lien de causalité entre le manquement et le dommage invoqués ; que la cour d'appel a condamné in solidum les consorts X... et la SARL andrau immobilier au paiement de l'intégralité de la somme de 11 960 euros TTC représentant le coût de l'étude de diagnostic à laquelle la SCI Alsel a fait procéder postérieurement à la vente ; qu'aucun lien causal n'existe entre l'éventuel manquement du vendeur quant à l'information relative au risque de pollution et l'étude qui a dû être réalisée et qui a constaté cette pollution, la SCI Alsel affirmant elle-même que l'information sur les risques de pollution lui aurait permis de faire réaliser une étude, de sorte que l'étude de diagnostic aurait été faite même si elle avait été informée d'un risque de pollution ; qu'en statuant de la sorte en l'absence de lien de causalité entre le manquement et le préjudice invoqué et alors que le vendeur n'avait pas connaissance du vice affectant la chose, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1646 du code civil ;

5°/ qu'au titre de la garantie des vices cachés, le vendeur qui ignorait les vices de la chose n'est tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente ; que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur les première et deuxième branches du premier moyen du pourvoi relatives à l'absence de connaissance des vices affectant la chose par les vendeurs doit entraîner la cassation par voie de conséquence nécessaire des dispositions ayant mis à la charge des consorts X... la réparation d'un préjudice de jouissance à hauteur de 20 000 euros en application des articles 1646 du code civil et 624 et 625 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que, les consorts X... n'ayant pas invoqué l'absence de lien de causalité entre un éventuel défaut d'information relatif au risque de pollution et l'étude technique réalisée par l'acquéreur après la vente, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu à bon droit qu'en sa qualité de dernier exploitant du garage précédemment exploité par son père, M. X... ne pouvait ignorer les vices affectant les locaux et que l'existence des cuves enterrées qui se sont avérées fuyardes n'avait été révélée à l'acquéreur que postérieurement à la vente, la cour d'appel, appréciant souverainement la portée du rapport d'expertise, en a exactement déduit que le vendeur ne pouvait pas se prévaloir de la clause de non-garantie des vices cachés ;

Attendu, enfin, que, la cassation n'étant pas prononcée sur les deux premières branches, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident de la SCI, réunis, ci-après annexés :

Attendu que les consorts X... et la SCI font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre des notaires ;

Mais attendu qu'ayant relevé que ni le vendeur, ni l'agent immobilier n'avaient informé les notaires de la présence de cuves enterrées sous le garage et retenu qu'aucune faute ne pouvait leur être reprochée sur l'existence du vice de pollution, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu que, la cassation n'étant pas prononcée sur les premier et deuxième moyens, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Andrau immobilier, ci-après annexé :

Attendu que la société Andrau immobilier fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec les consorts X..., à payer diverses sommes à la SCI ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Andrau immobilier avait admis avoir eu connaissance de la présence des cuves enterrées et qu'elle n'en avait pas informé l'acquéreur et les notaires instrumentaires, la cour d'appel, qui a pu en déduire que l'agent immobilier était tenu à réparation, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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