vendredi 29 juillet 2016

Responsabilté décennale et devoir de conseil des constructeurs

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 13 juillet 2016
N° de pourvoi: 15-19.616
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Chauvin (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Marc Lévis, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Ohl et Vexliard, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 avril 2015), que la société Carbone Savoie a fait construire un bâtiment industriel de « graphitation » dont elle a confié l'exploitation à la société Ucar, devenue Graftech France ; qu'elle a souscrit une assurance dommages-ouvrage et constructeur non-réalisateur auprès de la société Abeille assurances, devenue Aviva assurances ; qu'elle a confié la maîtrise d'œuvre de l'opération à la société Technip France, assurée auprès de la société Axa corporate solutions assurance (la société Axa) ; que la société Technip France a confié la conception des structures métalliques et de la couverture à la société Strubat, assurée auprès de la société Mutuelles du Mans assurances IARD ; que la société Carbone Savoie a confié une mission de contrôle technique à la société Apave Sud Europe (l'Apave), assurée auprès de l'association des souscripteurs du Lloyd's de Londres, représentée par la société Lloyd's France ; qu'elle a attribué le lot charpente-couverture métallique à la société Gagne, assurée en responsabilité décennale par la société L'Auxiliaire, puis par la société Acte IARD ; que les tôles de la toiture ont été fabriquées par la société Pab Sud, devenue ArcelorMittal construction France (la société ArcelorMittal), et vendues à la société Pab Nord, devenue Corus bâtiment et systèmes, elle-même devenue Tata steel France bâtiments et systèmes (la société Tata) ; que la société Carbone Savoie, ayant constaté, après réception, que la couverture et le bardage étaient atteints de perforations, a, après refus de prise en charge par l'assureur dommages-ouvrage et après expertise, assigné en indemnisation les intervenants et leurs assureurs ; que des appels en garantie ont été formés ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu que l'Apave et son assureur font grief à l'arrêt de dire que dans les rapports entre coobligés, la charge finale de la condamnation prononcée incombera aux sociétés Technip et Axa à hauteur de 30 %, à la société Strubat et aux Mutuelles du Mans assurances à hauteur de 50 % et à l'Apave et son assureur à hauteur de 20 % ;

Mais attendu que l'omission faite par la cour d'appel de rappeler dans le dispositif de l'arrêt que le contrôleur technique et son assureur sont condamnés in solidum avec d'autres intervenants à indemniser le maître de l'ouvrage et à garantir son assureur caractérise une erreur matérielle qui, pouvant être réparée suivant la procédure de l'article 462 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation ;

D'où il suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu que l'Apave et son assureur font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec les sociétés Aviva assurances, Technip France, Axa, Gagne, L'Auxiliaire, Strubat et Mutuelles du Mans assurances IARD, à indemniser la société Carbone Savoie, de les condamner, in solidum avec les sociétés Technip France, Axa, Gagne, L'Auxiliaire, Strubat et Mutuelles du Mans assurances IARD, à garantir la société Aviva assurances et de dire que la charge finale de cette condamnation incombera à l'Apave et à son assureur à hauteur de 20 % ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par des motifs non critiqués, qu'au cours d'un cycle de fabrication, les fours étaient refroidis par pulvérisation d'eau froide se transformant en vapeur d'eau, laquelle se combinait avec les émanations gazeuses de dioxyde de soufre pour former de l'acide sulfurique qui corrodait les éléments de couverture et de bardage et retenu que les constructeurs avaient une parfaite connaissance de ce phénomène, qui suffisait à expliquer la corrosion, ou qu'il leur appartenait de se documenter sur la question, la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite de motifs surabondants, que la nature du process industriel ne pouvait pas constituer une cause étrangère susceptible d'exonérer les constructeurs de leur responsabilité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu que l'Apave et son assureur font le même grief à l'arrêt ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par un motif non critiqué, que le contrôleur technique ne prétendait pas avoir ignoré la nature des rejets gazeux émanant des fours et retenu qu'il lui appartenait de se documenter sur leur système de refroidissement et de vérifier le contenu de l'avis émis par le fabricant des tôles pour s'assurer que celui-ci avait obtenu des renseignements complets avec des données exactes, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions ni de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes et a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant, que le contrôleur technique devait être condamné à indemniser le maître de l'ouvrage et à garantir son assureur dans une proportion qu'elle a souverainement appréciée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le quatrième moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour exonérer la société Gagne et son assureur de toute responsabilité dans leurs rapports avec leurs coobligés, l'arrêt retient que le choix du matériau de couverture et de bardage avait été imposé à la société Gagne ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les sociétés Gagne et L'Auxiliaire avaient demandé, à titre subsidiaire, la garantie des autres intervenants et de leurs assureurs à hauteur de 90 % des condamnations prononcées, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt déduit de la garantie de la société Aviva assurances les provisions payées en vertu des ordonnances de référé et du juge de la mise en état ;

Qu'en statuant ainsi, sans énoncer de motif à l'appui de ce chef du dispositif de l'arrêt, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :

Met hors de cause les sociétés ArcelorMittall construction France et Tata Steel France bâtiments et systèmes ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que, dans les rapports entre coobligés, la charge finale de la condamnation incombera aux sociétés Technip France et Axa à hauteur de 30 %, aux sociétés Strubat et les Mutuelles du Mans assurances IARD à hauteur de 50 % et à la société Apave et aux souscripteurs du Lloyd's de Londres à hauteur de 20 % et en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Technip France et Axa, les sociétés Gagne et L'Auxiliaire et les sociétés Strubat et Mutuelles du Mans assurances IARD à garantir la société Aviva assurances sous déduction des provisions payées en vertu des ordonnances de référé et du juge de la mise en état, l'arrêt rendu le 7 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée ;

Condamne la société Apave Sud Europe et la société Lloyd's France, ès qualités de mandataire général pour la France de l'association des Souscripteurs du Lloyd's de Londres, aux dépens du pourvoi principal et les sociétés Technip France et Axa corporate solutions assurance, les sociétés Strubat et Mutuelles du Mans assurances IARD et la société Apave Sud Europe et la société Lloyd's France, ès qualités de mandataire général pour la France de l'association des Souscripteurs du Lloyd's de Londres, aux dépens du pourvoi incident ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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