mercredi 13 avril 2016

Défiscalisation et réticence dolosive

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 7 avril 2016
N° de pourvoi: 15-13.064
Publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
Me Le Prado, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Odent et Poulet, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 12 novembre 2014), que M. et Mme X... ont acquis de la société civile immobilière Clos des Pascalines (la SCI) un appartement et un emplacement de stationnement en l'état futur d'achèvement, au titre d'un projet d'investissement locatif ouvrant droit à défiscalisation, après avoir été démarchés à leur domicile par M. Y..., agent commercial de la société Amadeus conseil, partenaire chargée de la commercialisation de l'immeuble ; que M. et Mme X..., invoquant des manoeuvres dolosives de la part du vendeur, ont assigné la SCI, la société Amadeus conseil, M. Y... et la société Crédit foncier, organisme prêteur, en nullité de la vente et paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de leurs demandes fondées sur la réticence dolosive et la violation délibérée de l'obligation précontractuelle pesant sur la société Amadeus conseil et son représentant, alors, selon le moyen :

1°/ que tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service ; que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'ayant retenu que « le document produit par les appelants … ne fait pas la preuve de ce que le mandataire du vendeur ait communiqué des informations incomplètes ou tendancieuses », et décidé que « les appelants ne démontrant pas une violation délibérée de l'obligation précontractuelle d'information qui pesait sur la société Amadeus et son représentant, les déterminant à contracter, la réticence dolosive alléguée n'est pas caractérisée », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant l'article 1315 du code civil ;

2°/ que l'erreur provoquée par la réticence dolosive est toujours excusable ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'un dol, que « les époux X... n'ont jamais pris le soin de s'informer par eux-mêmes de la pertinence de cet investissement au regard de leur situation propre, ni même de se rendre sur place à Clermont-Ferrand n'hésitant pas à alléguer la distance, alors qu'il s'agissait seulement de faire un aller retour Paris Clermont-Ferrand, ce qui traduit de leur part une légèreté certaine », la cour d'appel, qui s'est prononcée sur le caractère excusable de l'erreur des exposants, a violé l'article 1116 du code civil ;

3°/ que les juges doivent motiver leur décision, le défaut de réponse à conclusion constituant un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, les époux X... faisaient valoir que, hormis le premier le contrat de location ayant couru entre le 6 novembre 2009 et le 14 janvier 2011, soit 1 an et 2 mois – et pour lequel une revalorisation du loyer de 2 % par an aurait d'ailleurs du avoir lieu –, le bien litigieux n'a jamais été loué, entre le 5 mars 2008 et le 29 novembre 2012 – soit durant 4 ans et 8 mois –, au prix de 360 euros pourtant promis ; qu'en retenant de manière générale que « le revenu locatif mensuel estimé de 360 euros est bien celui auquel le bien a pu être loué », sans répondre au moyen péremptoire dont elle était saisi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'un plan d'épargne fiscal présentant l'ensemble des données économiques et fiscales du projet avait été remis à M. et Mme X... par M. Y..., que le bien avait été loué au revenu locatif estimé, que les acquéreurs avaient bénéficié de l'assurance couvrant la vacance locative, qu'ils ne produisaient aucun élément démontrant la dépréciation de la valeur du bien acquis, livré conforme, et ne faisaient pas état de la non-réalisation de l'objectif de défiscalisation et ayant retenu souverainement que la preuve n'était pas rapportée d'une violation intentionnelle du manquement de la société Amadeus conseil à son obligation précontractuelle d'information, ayant déterminé M. et Mme X... à contracter, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve et qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que la réticence dolosive invoquée par les acquéreurs n'était pas caractérisée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de dire que la nullité du contrat de réservation n'est pas encourue et que l'acte authentique en date du 8 août 2006 n'est pas entaché de nullité, alors selon le moyen :

1°/ que la notification prévue par l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation doit être adressée personnellement à chacun des époux acquéreurs ou qu'à défaut l'avis de réception de la lettre unique doit être signé par les deux époux ; qu'en décidant que le non-respect du formalisme visé à l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation « n'a causé aucun grief aux époux X... qui ont bien été informés de la faculté de rétractation qui leur était ouverte et n'ont pas entendu en faire usage », la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne contient pas, a violé le texte susvisé ;

2°/ que lorsque la notification prévue par l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation a été effectuée non par lettres distinctes, adressées à chacun des époux acquéreurs, mais par une lettre unique libellée au nom des deux, elle ne peut produire effet à l'égard des deux que si l'avis de réception a été signé par chacun des époux ou si l'époux signataire était muni d'un pouvoir à l'effet de représenter son conjoint ; qu'ainsi, le délai de rétractation de sept jours ne peut commencer à courir à l'encontre des deux époux ; qu'en retenant que le non-respect du formalisme visé à l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation « qui n'a pour but que de protéger le consommateur, n'a causé aucun grief aux époux X... qui ont bien été informés de la faculté de rétractation qui leur était ouverte et n'ont pas entendu en faire usage » et que « le délai de rétractation a couru à compter de la notification du courrier reçu le 24 avril 2006 », la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Mais attendu que la signature par les acquéreurs de l'acte authentique de vente sans réserve vaut renonciation à se prévaloir de l'irrégularité de la notification du droit de rétractation prévue à l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation ; que la cour d'appel a relevé que M. et Mme X... avaient tous deux signé l'acte authentique de vente, sans émettre de réserve quant à l'absence de notification du contrat préliminaire de réservation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception séparée à chacun d'entre eux ; qu'il en résulte que l'acte authentique de vente n'est pas entaché de nullité ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à M. Y... la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Mais attendu, d'une part, que, le premier moyen étant rejeté, le troisième moyen, pris d'une cassation par voie de conséquence en sa première branche, est devenu sans objet ;

Attendu, d'autre part, que, la cour d'appel n'ayant pas condamné M. et Mme X... pour abus du droit d'agir en justice, le moyen manque en fait ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme X... à payer la somme de 3 000 euros à la société civile immobilière Clos des Pascalines et rejette les autres demandes ;



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