mardi 29 mars 2016

Les sociétés n'ont pas de vie privée...

Voir note Dreyer, SJ G 2016, p. 2105.

contra :   CE 7 octobre 2022, n° 443826

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 17 mars 2016
N° de pourvoi: 15-14.072
Publié au bulletin Cassation

Mme Batut (président), président
SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Didier et Pinet, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... est propriétaire d'un immeuble, qu'elle a donné à bail à son fils pour y développer une activité de location saisonnière et de réception, et dont l'accès s'effectue par un passage indivis desservant également la porte d'accès au fournil du fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie exploité par la société LM Bertin, désormais dénommée Boulangerie Pre (la société) ; que, reprochant à M. et Mme X... d'avoir installé sur leur immeuble un système de vidéo-surveillance et un projecteur dirigés vers ledit passage, la société a saisi le juge des référés, sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile, pour obtenir le retrait de ce dispositif, ainsi qu'une provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice résultant de l'atteinte à sa vie privée et de son préjudice moral ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 9 du code civil et 809 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour ordonner le retrait du matériel de vidéo-surveillance et du projecteur, l'arrêt relève que l'usage de ce dispositif n'est pas strictement limité à la surveillance de l'intérieur de la propriété de M. et Mme X..., que l'appareil de vidéo-surveillance enregistre également les mouvements des personnes se trouvant sur le passage commun, notamment au niveau de l'entrée du personnel de la société, et que le projecteur, braqué dans la direction de la caméra, ajoute à la visibilité ; qu'il retient que l'atteinte ainsi portée au respect de la vie privée de la société constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, si les personnes morales disposent, notamment, d'un droit à la protection de leur nom, de leur domicile, de leurs correspondances et de leur réputation, seules les personnes physiques peuvent se prévaloir d'une atteinte à la vie privée au sens de l'article 9 du code civil, de sorte que la société ne pouvait invoquer l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant d'une telle atteinte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation de l'arrêt sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le deuxième moyen, relatif à la condamnation de M. et Mme X... au paiement d'une provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi par la société ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Boulangerie Pre aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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