vendredi 29 janvier 2016

La violation consciente d'un permis de construire n'ouvre droit à aucune indemnisation pour son auteur

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 21 janvier 2016
N° de pourvoi: 14-28.014
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Boulloche, SCP Ortscheidt, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 23 octobre 2014), que M. et Mme X..., ayant confié la maîtrise d'oeuvre complète à la société Manuel Z... architecte, assurée auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF), pour la construction d'une habitation principale et de quatre appartements locatifs, ont obtenu un permis de construire pour la réalisation de deux logements ; que les travaux de construction de quatre appartements ont été interrompus par un arrêté du maire faisant état de la non-conformité au permis de construire ; que M. et Mme X..., reprochant un manquement de l'architecte à son devoir de conseil, l'ont assigné en référé pour obtenir une provision et l'affaire a été renvoyée devant le juge du fond ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme X...font grief à l'arrêt de déclarer la société Manuel Z... architecte responsable à concurrence de 60 % du préjudice subi par eux, laissant 40 % à leur charge, et de condamner l'architecte à les indemniser dans cette proportion, alors, selon le moyen, que le devoir d'information et de conseil auquel l'architecte est tenu à l'égard de son client porte sur les risques que celui-ci n'est pas à même de discerner seul, ou dont il ne peut maîtriser toutes les implications ; que, dès lors, le maître de l'ouvrage, non informé par l'architecte, ne peut être considéré comme ayant une pleine connaissance des risques concernés ; qu'en jugeant que M. et Mme X...avaient fait entreprendre et laissé poursuivre une opération immobilière irrégulière « en connaissance de cause », cependant qu'elle a retenu que la société Manuel Z... architecte ne les avait pas informés de l'incompatibilité technique de leur projet avec les contraintes urbanistiques, ni des risques inhérents à la réalisation de cette opération, pour laquelle elle avait été mandatée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que si le contrat d'architecte initial portait sur la réalisation d'une habitation principale et de quatre appartements locatifs, la demande de permis de construire signée par M. et Mme X...indiquait un nombre de deux logements créés pour une résidence principale et le permis de construire délivré précisait que le projet ne devrait en aucun cas aboutir à la création de plus de deux logements, que les travaux entrepris, correspondant au projet initial de M. et Mme X..., avaient été arrêtés par le maire au motif qu'ils n'étaient pas conformes au permis de construire, la cour d'appel a pu retenir que M. et Mme X..., qui avaient signé la demande de permis de construire faisant apparaître la construction de deux logements, ne pouvaient se méprendre sur la portée de leur demande ni sur l'autorisation accordée qui ne leur permettait pas de réaliser le projet immobilier d'origine qu'ils ont fait entreprendre, et en déduire que M. et Mme X...avaient commis une faute ayant contribué à la réalisation de leur propre dommage, dans une proportion qu'elle a souverainement appréciée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel, qui a pu retenir que le préjudice financier invoqué n'était pas démontré par les maîtres de l'ouvrage, lesquels ne pouvaient pas espérer un revenu provenant de logements qu'ils n'avaient pas le droit d'édifier, et qui en a justement déduit qu'ils ne pouvaient demander la réparation de la perte d'une chance, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X..., les condamne à payer à la société Mutuelle des architectes français, la somme de 3 000 euros ;

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