mercredi 6 janvier 2016

Devoir de conseil du prêteur de deniers

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 17 décembre 2015
N° de pourvoi: 14-29.022
Non publié au bulletin Cassation

Mme Batut (président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait souscrit plusieurs prêts personnels et un prêt professionnel en sa qualité de gérant de la société Fabio, auprès de la Banque populaire du Sud (la banque), faisant grief à celle-ci de lui avoir consenti, le 6 décembre 2005, un nouveau prêt d'un montant de 128 000 euros, sans l'avoir mis en garde au regard du risque d'endettement, l'a assignée en réparation de son préjudice ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que manque à son devoir d'information et de mise en garde l'établissement de crédit qui, ayant déjà accordé plusieurs crédits personnels à son client ainsi qu'un crédit professionnel à la SARL dont il est gérant, et se voyant soumettre une nouvelle demande de crédit professionnel formulée non par cette société mais par ce seul client gérant, ne précise pas à ce dernier qu'il n'est pas opportun, par un tel type de crédit professionnel souscrit à titre personnel, de restructurer ses propres crédits et financer le fonctionnement de la SARL ; qu'en l'espèce, il a été constaté que, le 14 octobre 2005, la banque avait renseigné une « demande de crédit professionnel » d'un montant de 128 000 euros avec mention, dans la rubrique « caractéristiques » : « prêt restructuration sur quinze ans », que, le 17 octobre 2005, cette demande avait été acceptée et que, le prêt finalement obtenu le 6 décembre 2005, avait tout à la fois permis de restructurer les seuls prêts personnels de M. X... et de financer la SARL à hauteur de 35 000 euros ; qu'en omettant de rechercher si, lors du dépôt de cette demande de prêt professionnel, la banque avait questionné M. X... sur la destination des fonds prêtés (128 000 euros) dont le montant était nettement supérieur au total des sommes dues alors à titre personnel (60 301,53 euros) et l'avait valablement informé de la nécessaire distinction de ses finances personnelles et de celles de sa société, et en se bornant à relever que le prêt accordé le 6 décembre 2005 n'était pas un prêt professionnel et que la banque n'était pas responsable de l'affectation des fonds discrétionnairement décidée par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le prêt litigieux, distinct de la demande de prêt professionnel en date du 14 octobre 2005, était, comme le précisait l'acte notarié, un prêt personnel, a retenu que l'affectation par M. X... d'une partie modeste de la somme prêtée à la trésorerie de la société n'en changeait pas le caractère, justifiant ainsi légalement sa décision ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa sixième branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter ses demandes, l'arrêt retient que M. X... ne rapporte pas la preuve du caractère disproportionné du crédit octroyé au regard de ses revenus et de ses biens, en sorte que le prêt litigieux n'entraînait aucun risque excessif de surendettement ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le taux d'endettement induit par la souscription de ce prêt n'était pas de nature à justifier la mise en garde de l'emprunteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la Banque populaire du Sud aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;


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