mercredi 18 novembre 2015

Urbanisme : la démolition, encore et toujours

Voir note Roujou de Boubée, RDI 2015, p. 533.

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 1 septembre 2015
N° de pourvoi: 14-84.353
Publié au bulletin Rejet

M. Guérin (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- La commune de Champcella, partie civile,


contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 27 mai 2014, qui, dans la procédure suivie contre M. Romain X... du chef d'infraction au code de l'urbanisme, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 mai 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Guého, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUÉHO, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CORDIER ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 421-4, L. 424-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7, R. 421-9, R. 421-17, du code de l'urbanisme, 2, 3, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation du principe de la réparation intégrale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré M. Romain X... coupable d'exécution de travaux sans déclaration préalable avant le commencement des travaux, a rejeté la demande de la commune de Champcella tendant à la remise en état des lieux ;

" aux motifs que sur l'action civile, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré la commune de Champcella recevable en sa constitution de partie civile, en ce qu'elle justifie subir un préjudice personnel, direct et certain résultant des infractions commises ; dans l'attente de la solution des contentieux administratifs en cours et en l'état d'une décision de la cour administrative d'appel de Marseille, actuellement déférée au Conseil d'Etat, qui a prononcé l'annulation de deux refus de permis de construire de la bergerie projetée par M. Romain X... et a donné injonction au maire de Champcella de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire, la démolition de la serre tunnel subsistante, édifiée à titre de palliatif provisoire dans un secteur isolé, en zone agricole, n'est pas nécessaire à la réparation du dommage subi par la commune ;

" 1°) alors qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, le préjudice doit être réparé sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en l'espèce, en rejetant la demande de remise en état des lieux sollicitée par la commune de Champcella, en se fondant sur le motif tiré de l'attente de la solution de contentieux administratifs, bien qu'elle avait constaté que la commune subissait un préjudice personnel, direct et certain lié à l'édification illégale des deux serres tunnels, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisé ;

" 2°) alors que le recours en annulation de l'arrêté par lequel le maire a fait opposition à une déclaration de travaux, formé par le prévenu devant la juridiction administrative, n'a pas d'effet suspensif au regard de la poursuite dont la juridiction correctionnelle est saisie du chef de construction non conforme, y compris en ce qui concerne la mesure de démolition sur laquelle elle a l'obligation de statuer ; qu'en refusant de prononcer la remise en état des lieux, en se fondant sur le motif tiré de l'attente de la solution des contentieux administratifs en cours, à supposer qu'ils visent les arrêtés par lesquels le maire a fait opposition aux déclarations de travaux concernant les serres, au lieu de rechercher si la démolition était susceptible de réparer le préjudice souffert par la partie civile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" 3°) alors qu'en affirmant que la remise en état des lieux et la démolition de la serre subsistante n'était pas nécessaire en l'état d'une décision de la cour administrative d'appel de Marseille, actuellement déférée au Conseil d'Etat, qui a prononcé l'annulation de deux refus de permis de construire de la bergerie projetée par M. Romain X... et a donné injonction au maire de Champcella de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire, c'est-à-dire en se fondant sur un recours étranger à la présente procédure, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de toute base légale au regard des textes et principes susvisés ;

" 4°) alors que la demande de remise en état des lieux ou de démolition ne peut pas être refusée en raison de l'absence de nuisances causées à l'environnement ou aux parties civiles ; que dès lors, en écartant toute mesure de remise en état des lieux, en se bornant à relever que la démolition de la serre tunnel subsistante avait été édifiée à titre de palliatif provisoire dans un secteur isolé, en zone agricole, au lieu de rechercher si la partie civile n'avait pas subi un préjudice résultant de cette construction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Romain X..., éleveur ovin à Champcella (Hautes-Alpes), après s'être vu refuser à plusieurs reprises la délivrance d'un permis pour la construction d'une bergerie, a entrepris l'édification sur son terrain de deux serres tunnel sans attendre le terme du délai d'instruction des déclarations de travaux et malgré les arrêtés d'opposition pris par le maire ; que M. X... a été poursuivi pour exécution de travaux non soumis à permis de construire sans déclaration préalable ; que les premiers juges ont déclaré l'intéressé coupable, l'ont condamné à une peine d'amende, ont reçu la constitution de partie civile de la commune de Champcella et sur la demande de celle-ci, ont condamné le prévenu à la remise en état des lieux sous astreinte ; que ce dernier, le ministère public et la partie civile ont relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour refuser de faire droit à l'unique demande de réparation formulée par la commune de Champcella, tendant au prononcé d'une mesure de remise en état des lieux, l'arrêt retient notamment que la démolition de la serre tunnel subsistante, édifiée à titre provisoire dans un secteur isolé, en zone agricole, n'est pas nécessaire à la réparation du dommage subi par la commune ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors qu'elle a souverainement apprécié, dans la limite des conclusions des parties, que la remise en état des lieux ne constituait pas une mesure propre à réparer le dommage né de l'infraction, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 000 euros la somme que la commune de Champcella devra payer à M. X... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier septembre deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.





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ECLI:FR:CCASS:2015:CR02648

Analyse
Publication :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble , du 27 mai 2014

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