mardi 8 septembre 2015

Sous-traitance : responsabilité quasi-délictuelle du maître de l'ouvrage

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 17 juin 2015
N° de pourvoi: 14-20.051
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Terrier (président), président
SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Vignobles A... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Hirou, liquidateur judiciaire de la société Depeo ingénierie ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 7 novembre 2013), que la société Vignobles A... a fait réaliser un chai en qualité de maître de l'ouvrage et a confié le pilotage et la coordination des travaux à la société Depeo ingénierie, le lot gros oeuvre à M. X..., exploitant l'entreprise Bâtiment tout corps d'état (la BTCE), qui a sous-traité une partie des travaux à M. Y..., exploitant l'entreprise Ravalement Aquitaine maçonnerie (la RAM), représenté par la société G..., liquidateur judiciaire ; que le 5 juillet 2006, le maître de l'ouvrage et les entreprises BTCE et RAM ont signé un protocole d'accord convenant notamment que la BTCE serait déchargée du lot gros oeuvre dont l'achèvement serait confié à l'entreprise RAM ; que M. Y... en qualité de sous-traitant et son liquidateur ont assigné le maître de l'ouvrage en paiement d'une facture du 6 juillet 2006 non réglée par la BTCE ; que le maître de l'ouvrage, se plaignant de désordres, a assigné en indemnisation les locateurs d'ouvrage et leurs assureurs ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Vignobles A... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société G..., ès qualités, la somme de 51 910, 62 euros en principal, celle de 1 375, 43 euros au titre des frais d'huissier exposés en vue du règlement de sa créance, celle de 1 016 euros au titre des frais d'avocat engagés pour les procédures dirigées contre la BTCE et celle de 5 000 euros au titre du préjudice subi du fait de la mise en redressement judiciaire de M. Y..., alors, selon le moyen, que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des écrits qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté elle-même que le protocole d'accord du 5 juillet 2006, signé par l'Earl Vignobles A..., maître de l'ouvrage, M. X... (entreprise BTCE), entreprise principale, et par M. Y... (entreprise RAM), sous-traitant, stipulait que « toutes les parties acceptent et renoncent à toutes démarches juridiques vis-à-vis de l'une ou l'autre des parties sauf non conformités liées à des malfaçons » ; qu'en retenant que M. Y... s'engageait uniquement par cet acte à terminer aux lieu et place de l'entreprise BTCE défaillante les travaux de gros oeuvres confiés à cette dernière par la société Vignobles A..., et qu'il n'avait pu avoir conscience d'abandonner ainsi tout recours du chef de sa créance au titre de ses travaux de sous-traitance, quand la transaction énonçait expressément que les parties renonçaient à tout recours les uns contre les autres au titre des travaux de gros oeuvre objet de la transaction, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte et a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le protocole d'accord réglait les conditions de la rupture des relations entre le maître de l'ouvrage et la BTCE, entreprise principale, la reprise des travaux par la RAM sous-traitant de la BTCE qui s'engageait à les terminer directement pour le compte du maître de l'ouvrage et que ce document ne contenait aucune référence au règlement des relations contractuelles entre l'entreprise BTCE et son sous-traitant, la cour d'appel a pu, sans dénaturer ce protocole, retenir que M. Y... s'était engagé à terminer les travaux mais n'avait pas renoncé à exercer un recours pour obtenir le paiement qui lui était dû en qualité de sous-traitant de la BTCE ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles 13 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

Attendu que pour condamner la société Vignobles A... à payer certaines sommes à la société G..., ès qualités, l'arrêt retient qu'en ne mettant pas en demeure l'entrepreneur principal de s'acquitter de ses obligations, le maître de l'ouvrage a commis une faute engageant sa responsabilité quasi délictuelle à l'égard de M. Y..., faute en relation de causalité directe avec le préjudice subi par le sous-traitant du fait du défaut de paiement de sa facture par l'entreprise principale, que le préjudice de M. Y... doit être indemnisé par l'allocation de la somme de 51 910, 62 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la demande faite en justice en date du 9 novembre 2007 ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, quel était le montant restant dû à l'entrepreneur principal à la date à laquelle le maître d'ouvrage avait eu connaissance de la présence du sous-traitant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Vignobles A... à payer à la société G..., ès qualités, la somme de 51. 910, 62 euros en principal, l'arrêt rendu le 7 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne la société G..., liquidateur judiciaire de M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société G..., liquidateur judiciaire de M. Y... à payer la somme de 3 000 euros à la société Vignobles A... ;

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