mardi 8 septembre 2015

Assurance-incendie - défaut de souscription par le locataire - devoir de conseil de l'agence - garantie de l'assureur du propriétaire

Voir note Abravanel-Jolly, RTDI 2015-3, p. 41.

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 26 mars 2015
N° de pourvoi: 14-13.293
Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Flise (président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Ortscheidt, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile immobilière Alemae (la SCI) a fait l'acquisition, le 27 février 2006, d'un immeuble à Marseille ; que le 23 mars suivant, elle a souscrit auprès de la société Mudetaf (l'assureur) un contrat d'assurance "propriétaire non occupant" concernant cet immeuble ; que, par acte du 22 mars 2007, elle a confié à la société Agence Rive gauche (l'agence) la gestion de deux appartements situés au deuxième étage de celui-ci ; que l'un d'entre eux a été donné en location à M. X..., à compter du 15 octobre 2007 ; qu'un incendie s'est déclaré dans cet appartement le 16 octobre 2009, provoquant des dommages importants ; que l'assureur ayant refusé sa garantie, la SCI l'a assigné en indemnisation ainsi que l'agence ;

Sur le second moyen :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt statuant à nouveau, de déclarer mal fondée sa demande à l'encontre de l'agence, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient au mandataire professionnel, chargé par le propriétaire de la gestion de biens immobiliers, de vérifier que le locataire auquel il a consenti un bail d'habitation, est assuré pour les locaux loués ; que le seul envoi plusieurs mois avant le sinistre, d'un courrier de relance pour obtenir du locataire l'attestation d'assurance, qui n'a pas été suivi d'effet, n'établit pas que le mandataire a accompli les diligences nécessaires qui lui incombent mais caractérise au contraire sa négligence fautive ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé les articles 1147 et 1992 du code civil ;

2°/ que le mandataire est tenu d'un devoir de conseil envers son mandant ; que constitue un manquement du mandataire à son devoir de conseil le fait de n'avoir pas accompli les vérifications nécessaires à la validité et à l'efficacité des actes souscrits par le mandant qui rentrent dans l'objet du mandat ; que, pour déclarer mal fondée la demande de la SCI à l'encontre de l'agence, la cour d'appel a relevé l'antériorité du contrat d'assurance souscrit auprès de la société Mudetaf à la conclusion du mandat de gestion avec l'agence et retenu que celle-ci n'était pas liée par cette convention et ne pouvait être tenue responsable des déclarations erronées faites par la SCI ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'absence de faute de l'agence la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1992 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la SCI a souscrit le 7 mars 2006 le contrat d'assurance litigieux, bien avant que l'agence ne se voie confier la gestion des deux appartements ; que l'agence n'est en aucun cas liée par cette convention et ne saurait être tenue responsable des déclarations erronées faites par la SCI ; qu'il est établi au dossier que le locataire a remis une attestation d'assurance responsabilité locative lors de la signature du bail ; que par la suite, l'agence lui a adressé un courrier de relance le 15 mai 2009 afin qu'il communique son attestation d'assurance pour le bien loué ;

Que de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu déduire que l'agence n'avait pas commis de faute dans l'exécution de son mandat ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 113-5 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour dire irrecevable l'action de la SCI à l'encontre de l'assureur, et mettre celui-ci hors de cause, l'arrêt énonce qu'il appartient à la SCI de se retourner contre son locataire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la possibilité ouverte au bailleur d'exercer un recours contre son locataire ne constitue pas, en elle-même, une cause d'irrecevabilité de l'action de l'assuré contre son assureur, tendant à obtenir l'exécution de l'obligation de garantie stipulée au contrat d'assurance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la SCI Alemae à l'égard de la société Mudetaf et mis celle-ci hors de cause, l'arrêt rendu le 12 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Mudetaf et la SCI Alemae aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Mudetaf, la condamne à payer à la SCI Alemae la somme de 3 000 euros, condamne la SCI Alemae à payer à la société Agence Rive gauche la somme de 3 000 euros ;


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