mardi 20 janvier 2015

Le vécu passionnant d'un pilote professionnel français aux Etats-Unis...

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Brochure d'école

Les brochures des écoles de pilotage américaines montrent le jeune pilote de ligne, bronzage parfait, l’insigne de l’aviateur épinglée sur sa chemise, qui est aussi blanche que ses dents. Des galons en or embellissent ses larges épaules musclées. Son avenir est tellement luisant qu’il doit porter des lunettes de soleil. Le cockpit d’un airliner en arrière plan, peut-être, ou un palmier qui révèlerait une destination exotique, une escale à l’autre bout du monde. Pourquoi pas des hôtesses aux bras ?

On vient de traverser le Golfe du Mexique en diagonale à Mach 0.80, et on est maintenant à nouveau “feet dry”, verticale la Nouvelle Orléans à 36,000 pieds, direction le nord ouest. Le soleil s’était couché rapidement après notre décollage de la Floride à 17:40, dans une beauté digne d’une brochure d’école.

On est à 1200 nautiques de Salt Lake City pour un autre vol de nuit. Dans une heure et six minutes, on passera verticale Panhandle, Texas, où on sera alors assez léger pour monter au niveau 380.

On peut encore voir l’horizon. Bien qu’il fasse nuit en-dessous, à la Nouvelle Orléans — et on peut s’imaginer Bourbon Street et ses bars s’éveiller — il n’est que 16h sur la Côte Ouest; les Californiens vont sortir du bureau dans une heure et créer des embouteillages impossibles sur la 405.

Mais rapidement, le ciel perd ses nuances de bleu. Je vais passer cinq heures assis derrière une verrière chauffée — en fait, plus de sept heures aujourd’hui, si tu comptes la branche Salt Lake City - San Diego, que je ferai tard ce soir.

Il avait fait 15 degrés à Orlando aujourd’hui. Il en fera 18 à San Diego où je passerai plus de 24 heures dans un hôtel près du port. On est au mois de janvier, donc il y a de quoi profiter de ces températures.

Ou pas. Je passe mes journées derrière des verrières à regarder dehors, depuis un cockpit bruyant, mon Télex sur les oreilles, chaque instruction à la radio doit être entendue, reçue et suivie à la lettre. Si je vole la journée, mon bureau sera sur-éclairé, à 30.000 pieds au-dessus de la terre des hommes, les ondes gamma du soleil remplissant le cockpit. Une fois à l’hôtel, je tire les rideaux, j’assombris ma chambre et je déguste le calme, sonore et visuel.

Pendant mes 17 heures d’escales à Orlando, dans la ville super-touristique de Disney World, par exemple, je suis resté plus de 16 heures dans la chambre d’hôtel. Je suis sorti seulement parce que j’avais faim. Et je suis rentré illico.

J’aurai 30 heures d’escale à San Diego à partir de ce soir, et la première chose que je vais faire dès mon arrivée à l’hôtel, c’est tirer les rideaux et décrocher le téléphone. J’accrocherai le “Do Not Disturb” sur ma porte. Je desserrerai ma cravate. J’enlèverai mes bottes de vol. Je soupirerai.

Après sept heures derrière une verrière d’un jet à écouter le trafic aérien, je n’aurai nul désir de sortir dans les rues — ni d’aller faire la fête. Ces quatre murs de la chambre d’hôtel me conviendront largement. Imagine ça dans une brochure d’école de pilotage.

Le vendredi 9 janvier 2015.

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