mercredi 12 novembre 2014

Sous-traitance - obligation de paiement du sous-traitant par le MO - faute du MOE couverte par son assureur

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 26 mars 2014
N° de pourvoi: 13-10.537
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Odent et Poulet, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 13 novembre 2012), que l'Association de gestion de l'enseignement catholique du collège Jeanne d'Arc (l'AGEC) a confié à la société RBT ingénierie, assurée en responsabilité civile auprès de la société Sagena, la réalisation de bâtiments ; que la société RBT ingénierie, placée depuis en liquidation judiciaire, a sous-traité le lot chauffage-ventilation-plomberie-sanitaire à la société Delta Clim et un avenant a été signé pour des travaux supplémentaires ; que la société Delta Clim ayant assigné le maître d'ouvrage sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 pour n'avoir pas exigé de l'entreprise principale qu'elle fournisse la caution bancaire prescrite par la loi, l'AGEC a appelé en garantie la société Sagena ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis :

Attendu que la société Sagena et l'AGEC font grief à l'arrêt de condamner celle-ci à payer à la société Delta Clim la somme de 75 533,87 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2008, alors, selon le moyen, que le prix de travaux supplémentaires ne peut être réclamé par un sous-traitant au maître d'ouvrage que s'ils ont été commandés par lui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a condamné l'AGEC à régler à la société Delta Clim une somme de 75 533,87 euros correspondant à des travaux supplémentaires, en se fondant, pour décider qu'ils avaient été acceptés par le maître d'ouvrage (qui était lié à l'entreprise principale par un marché à forfait), sur leur paiement, sur l'inclusion de leur montant dans la déclaration de créance que l'AGEC avait faite au passif de la société RBT ingénierie et sur les réserves émises pour certains de ces travaux à la réception, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les travaux supplémentaires, ayant fait l'objet d'un avenant, de la déclaration de créance et de certaines réserves à la réception, avaient été intégralement payés par le maître d'ouvrage à l'entreprise principale, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Sagena fait grief à l'arrêt de la condamner à relever et garantir l'AGEC de toutes les condamnations prononcées contre elle, alors, selon le moyen :

1°/ que seul le sous-traitant a qualité pour se prévaloir du manquement de l'entreprise principale qui ne lui a pas fourni la caution bancaire requise par la loi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a admis que l'AGEC, maître d'ouvrage, pouvait se prévaloir de la faute de l'entreprise principale qui avait négligé de fournir, pour les travaux en cause, une caution à la société Delta Clim, sous-traitante, afin d'obtenir la garantie de la Sagena, assureur de responsabilité civile de l'entreprise principale, a violé l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 ;

2°/ que la faute de l'assuré, susceptible de déclencher une assurance de responsabilité civile, ne se confond pas avec le dommage qu'elle a pu causer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer que le manquement de la société RBT ingénierie s'analysait comme un dommage immatériel couvert par la police souscrite, sans rechercher si le manquement reproché à la société RBT ingénierie (défaut de fourniture d'une caution bancaire à sa sous-traitante) avait entraîné, pour l'AGEC, un dommage immatériel (lequel ne se confond pas avec la cause génératrice de la responsabilité de l'assuré) au sens de la police souscrite auprès de la Sagena, soit un préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance d'un droit ou de la perte d'un bénéfice, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que toute exclusion formelle et limitée d'une police de responsabilité doit être mise en oeuvre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a écarté l'exclusion contractuelle stipulée à l'article 5-1 des conditions générales de la police, au simple motif que les « travaux » réalisés par la société RBT ingénierie n'étaient pas en cause, quand l'exclusion de garantie visait toutes les dépenses engagées pour la « réalisation de l'objet du marché de l'assuré », la dépense afférente à la fourniture d'une caution bancaire à la sous-traitante entrant dans ce cadre, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

4°/ que les juges du fond ne peuvent passer outre une exclusion qui satisfait aux conditions légales ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a énoncé que la faute de la société RBT ingénierie , ayant consisté à ne pas fournir la caution prévue à l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, ne constituait pas une fraude au sens de la police, quand le manquement de l'entreprise à son obligation découlant de l'article 14 correspondait bien à l'exclusion stipulée à l'article 5-9 de la police, a violé l'article 1134 du code civil ;

5°/ que la dette de l'assuré se mesure à l'aune de sa responsabilité réelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a refusé, pour mesurer la dette de responsabilité de la société RBT ingénierie , de prendre en considération la faute commise par l'AGEC, laquelle avait concouru à la survenance de son propre préjudice en n'exigeant pas de l'entreprise principale la fourniture d'une caution bancaire au profit de la sous-traitante, a violé les articles L. 124-1 et L. 124-3 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société RBT n'avait pas souscrit de caution pour garantir le paiement de ses sous-traitants et que l'AGEC, qui avait réglé l'intégralité du marché et des travaux supplémentaires, avait été condamnée à payer les sommes restant dues par la société RBT à la société Delta Clim, sous-traitante, la cour d'appel, qui a souverainement écarté l'existence d'un dol ou d'une fraude, a pu retenir que la société RBT avait commis une faute en relation avec l'entier préjudice immatériel subi par l'AGEC et que les articles 5 et 5-9 du contrat d'assurance n'excluaient pas la garantie de ce préjudice, dont elle a souverainement apprécié l'étendue ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Sagena aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sagena à payer la somme de 3 000 euros à la société Delta Clim ; rejette les autres demandes ;

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