mardi 14 octobre 2014

Banquier : devoir de conseil et emprunteur averti

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 1 octobre 2014
N° de pourvoi: 13-22.778
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Le Prado, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 avril 2013), que la SCI Michelangelo (la SCI) constituée entre Mme X..., gérante, et l'Eurl Digital Magic, cette dernière ayant également pour gérante et unique associée Mme X..., a contracté en 2004 et 2006, deux emprunts auprès de la caisse de Crédit mutuel de la Défense (CCMD) afin de financer l'acquisition de biens immobiliers destinés à la location ; qu'au cours de la même période, la CCMD a accordé deux prêts personnels à Mme X... et que l'Eurl Digital Magic a, par l'intermédiaire de la même banque, souscrit un contrat de crédit-bail auprès de la société CM-CIC BAIL pour la location de matériels informatiques; que par acte du 9 novembre 2009, Mme X... et la SCI ont assigné la CCMD en nullité de la clause d'intérêts stipulée dans les contrats de prêts souscrits par la SCI ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts pour octroi de crédit excessif et manquement de la banque à son devoir de mise en garde ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SCI et Mme X... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande en nullité de la clause d'intérêts conventionnels stipulée dans le contrat de prêt immobilier consenti par la CCMD, alors, selon le moyen, que l'omission d'un élément devant impérativement être inclus dans le calcul du taux effectif global révèle un taux effectif global erroné et emporte nullité de la clause d'intérêts conventionnels stipulée dans un contrat de prêt ; qu'en déboutant la SCI et Mme X... de leur demande en nullité d'une telle clause, malgré l'omission dans le calcul du TEG des frais d'acquisition des parts sociales de l'organisme prêteur d'un montant de 225 euros, pour la raison qu'il n'y avait erreur de calcul, en l'espèce non prouvée, que lorsque la différence entre le TEG stipulé au contrat et celui qui aurait dû l'être était d'au moins une décimale, quand la règle consistant à arrondir une décimale au chiffre supérieur n'est qu'un ajustement toléré à seule fin de simplification mathématique, la cour d'appel a violé les articles 1907 du code civil, L. 313-1 du code de la consommation et le paragraphe d) de l'article R. 313-1 du même code, ensemble l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que c'est sans inverser la charge de la preuve et en faisant l'exacte application de l'article R. 313-1 paragraphe d) du code de la consommation que la cour d'appel a, dans son appréciation souveraine des éléments de preuve soumis au débat, retenu que la SCI et Mme X... ne démontraient pas que la prise en compte des frais de souscription des parts sociales de l'établissement prêteur, condition d'octroi du crédit, aurait conduit à modifier le résultat du calcul du taux effectif global stipulé à l'acte de prêt au delà du seuil légal ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la SCI et Mme X... font grief à l'arrêt attaqué de les débouter de leur action en responsabilité contre l' établissement de crédit , alors, selon le moyen :

1°/ qu'est emprunteur non averti celui qui, serait-il professionnel, n'est pas à même d'apprécier les risques d'endettement qu'il envisage d'assumer ; qu'en affirmant que l'emprunteuse, en sa qualité de dirigeante des deux sociétés, l'une civile, l'autre commerciale, disposait des capacités suffisantes pour apprécier le risque d'endettement entraîné par la souscription de deux emprunts immobiliers professionnels, de deux crédits personnels et d'un crédit-bail professionnel, ne requérant pas d'autre compétence que celle d'apprécier sa capacité de remboursement, se déterminant ainsi par des considérations impropres à la qualifier d'emprunteuse avertie, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que la banque a l'obligation de vérifier que le crédit consenti est adapté aux capacités financières de l'emprunteur ; qu'en affirmant, pour rejeter toute faute de la banque, que la dirigeante sociale avait la capacité suffisante pour apprécier les risques d'endettement liés aux différents prêts accordés, quand il lui incombait de rechercher si l'organisme de crédit avait octroyé un crédit adapté aux facultés contributives de l'intéressée et l'avait avertie de ce risque, information qui relevait de son obligation professionnelle de mise en garde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que sous le couvert de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion le pouvoir souverain des juges du fond qui, après avoir constaté que Mme X... était à la fois salariée de la société IBM et dirigeante de deux sociétés, et relevé qu'elle avait présenté en 2004 et 2005, à l'appui de sa demande de prêt, un exposé très détaillé des budgets prévisionnels et "business plan" de la SCI, manifestant son intention de couvrir les échéances des prêts immobiliers au moyen des deux loyers des locations en meublé consenties par la SCI à elle-même et à l'Eurl Digital Magic, et cherchant à accréditer l'existence d'une situation personnelle stable et fiable permettant à la SCI d'envisager un emprunt immobilier important sur vingt ans, ont estimé que Mme X... disposait des capacités suffisantes pour apprécier le risque d'endettement entraîné par la souscription des emprunts litigieux, faisant ainsi ressortir sa qualité d'emprunteuse avertie, de sorte que la banque n'était tenue à son égard d'aucun devoir de mise en garde ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI Michelangelo et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Michelangelo et de Mme X... ; les condamne à payer la somme de 3 000 euros à la caisse de Crédit mutuel de la défense ;


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