lundi 1 septembre 2014

Garantie intrinsèque - Limites du devoir de conseil du notaire

Voir note Brun, RLDC sept. 2014, n° 118, p. 94.

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 13 mai 2014
N° de pourvoi: 13-16.056
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Charruault (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Bénabent et Jéhannin, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte authentique reçu le 4 octobre 2004 par la société civile professionnelle Rostowsky, titulaire d'un office notarial à Sedan, la société civile immobilière Agence bâtiment conseil et développement a vendu aux époux X... une maison d'habitation en l'état futur d'achèvement ; que l'immeuble n'ayant pas été achevé, les acquéreurs ont recherché la responsabilité du notaire, lui reprochant, notamment, de ne pas avoir attiré leur attention sur les risques éventuels de non-achèvement de l'immeuble quand seule une garantie intrinsèque était offerte ;

Attendu que pour accueillir leur action et condamner la société notariale au paiement de dommages-intérêts au titre de la perte de chance d'obtenir l'achèvement de l'immeuble acquis, l'arrêt énonce que s'agissant d'une vente en l'état futur d'achèvement, contrat soumis à une réglementation spécifique et particulièrement technique pour un acheteur profane, l'information due à celui-ci a notamment pour objet de lui permettre de donner son consentement en parfaite connaissance de cause, compte tenu de la probabilité, inhérente à la nature même de l'opération, de non-achèvement des travaux ; que dans cette perspective, il incombait donc au notaire d'expliquer clairement à l'acquéreur la différence existant entre, d'une part, la garantie intrinsèque, garantie notoirement aléatoire et peu protectrice pour ce dernier en cas de défaillance du vendeur, et d'autre part, la garantie extrinsèque, qui offre à l'acquéreur une véritable sécurité financière, en prévoyant l'intervention d'un organisme financier destiné à fournir, le cas échéant, les sommes nécessaires à l'achèvement ; que cette information n'a nullement pour objet d'exiger du notaire qu'il porte un jugement de valeur sur l'une ou l'autre des garanties, expressément voulues par le législateur, et a pour seule finalité de mettre l'acquéreur en mesure d'apprécier la portée de son engagement, le notaire n'ayant bien évidemment pas vocation à s'immiscer dans le choix de la garantie, qui incombe au vendeur et non à l'acquéreur ;

Attendu, cependant, que la garantie intrinsèque est une option ouverte par la loi au vendeur et que, si elle ne présente pas la même sûreté que la garantie extrinsèque, elle n'en est pas moins licite ; qu'il ne saurait en conséquence être reproché à un notaire de ne pas avoir attiré l'attention des acquéreurs sur les risques inhérents à un dispositif prévu par la loi, dès lors que toutes les conditions d'application étaient réunies et que rien ne pouvait laisser supposer que la garantie fournie ne pourrait être utilement mise en oeuvre ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la SCP Rostowsky a manqué à son obligation d'information et de conseil à l'égard des époux X..., en ce qu'il dit que le préjudice subi par les intéressés est une perte de chance d'obtenir l'achèvement de l'immeuble acquis évaluée à la somme de 34 829,35 euros et en ce qu'il condamne la SCP Rostowsky à payer aux époux X... la somme de 34 829,35 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, l'arrêt rendu le 29 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne les époux X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


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