mercredi 14 mai 2014

Marché de travaux : caractère obligatoire de la procédure contractuelle d'arrêté des comptes

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 7 mai 2014
N° de pourvoi: 13-16.301
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
SCP Ghestin, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 18 décembre 2012), que la société civile immobilière de l'Europe (la SCI), ayant entrepris la réalisation d'un immeuble dénommé « Hôpital privé Jean Mermoz » a été contrainte d'arrêter les travaux par suite de la défaillance de l'entreprise de gros oeuvre ; qu'après expertise judiciaire, le maître de l'ouvrage a décidé de clôturer les comptes du projet « Mermoz l » et de reprendre une nouvelle opération intitulée « Mermoz II » ; que la société Entreprise Perrotin (la société Perrotin) et la société Entreprise Paré et compagnie (la société Paré), constituées en groupement solidaire, chargées du lot « revêtements muraux », ayant transmis le décompte des travaux qu'elles avaient réalisés, ont assigné le maître de l'ouvrage en paiement de sommes ; qu'en cours de procédure la société Paré et compagnie a été placée en redressement judiciaire, M. X... et M. Y... étant désignés en qualité de commissaire à l'exécution du plan et de mandataire judiciaire ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Perrotin et Paré et compagnie font grief à l'arrêt de décider que la procédure contractuelle de vérification des comptes du marché instituée par les articles 7. 4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et 19. 5 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) est inapplicable au cas d'espèce, de sorte qu'il ne peut être fait état d'une forclusion opposable au maître de l'ouvrage, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cas de résiliation du marché, l'entrepreneur devait, selon les documents contractuels, remettre au maître d'oeuvre le « décompte définitif » des sommes qu'il estime lui être dues en application du marché, ce dernier devant ensuite établir un « décompte accepté » qu'il remettra au maître de l'ouvrage pour acceptation ; qu'après avoir constaté qu'ensuite du dépôt du rapport d'expertise, du fait de la carence de l'entreprise de gros oeuvre, le maître d'ouvrage avait décidé de procéder à la déconstruction/ reconstruction de l'ensemble immobilier dans le cadre d'une nouvelle opération dite « Mermoz II » puis avait invité les entreprises missionnées dans le projet dit « Mermoz I » dont les sociétés Perrotin et Paré à clôturer les comptes du projet « Mermoz I » et à transmettre leur « décompte » des travaux réalisés au titre de ce premier projet, la cour d'appel devait retenir l'applicabilité des dispositions des articles 7. 4 du CCAP et 19. 6. 2 du CCAG (norme NF P 03 001) pour procéder à la vérification des comptes ; qu'en soumettant dans cette hypothèse, l'application de ces dispositions à la double condition d'une « réception des travaux », voire d'une « résiliation formelle du marché », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ subsidiairement, qu'après avoir constaté qu'à la suite de la substitution du projet « Mermoz II » au projet « Mermoz I » la SCI de l'Europe avait fait connaître aux différentes entreprises missionnées sur le projet « Mermoz I » dont les sociétés Perrotin et Paré, la nécessité de clôturer les comptes du projet en les invitant à transmettre leur décompte des travaux réalisés au titre de celui-ci, la cour d'appel devait rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si la SCI de l'Europe avait entendu, après résiliation, se soumettre aux dispositions combinées des articles 7. 4 du CCAP et 19. 6. 2 du CCAG (norme NF P 03 001) ; qu'en considérant sans procéder à cette recherche, qu'il n'y aurait pas eu réception des travaux, ceux-ci ayant été interrompus en vue de la démolition de ce qui venait d'être réalisé et qu'il n'y aurait pas eu résiliation formelle du marché, le maître de l'ouvrage n'évoquant que l'arrêt du chantier, s'abstenant de procéder à cette recherche, a méconnu la portée légale de ses constatations, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que le CCTC attribuait à la société E2CA ingénierie la qualité de membre de l'équipe de maîtrise d'oeuvre ; qu'en jugeant que cette entreprise n'avait pas cette qualité de maître d'oeuvre, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

4°/ subsidiairement qu'aux fins de mettre en jeu les dispositions de la norme Afnor NFP 03001 reprises dans les documents contractuels, qui prévoit que, même en cas de résiliation du marché, l'entrepreneur doit remettre au maître d'oeuvre le mémoire définitif des sommes qu'il estime lui être dues en application du marché, les sociétés Perrotin et Paré et compagnie avaient soutenu dans leurs conclusions d'appel, que la maîtrise d'oeuvre était composée notamment du Cabinet Jourda, architecte et de la société E2CA, économiste ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, assorties du CCTC en offre de preuve, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que l'article 7. 4 du CCAP dont les stipulations particulières prévalaient sur celles l'article 19. 6. 2 du CCAG (norme NF P 03 001) n'obligeait nullement l'entrepreneur lors de la présentation de son mémoire définitif (intitulé au cas présent « décompte définitif ») à informer la maîtrise d'oeuvre de l'obligation qui lui était faite par ces dispositions de lui notifier le décompte définitif (intitulé au cas présent « décompte accepté ») dans un délai de 30 jours ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la procédure contractuelle de vérifications des comptes n'avait pas été suivie par les parties, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs que la demande en paiement des sommes réclamées au titre du décompte présenté ne pouvait être accueillie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a, par une motivation suffisante, fixé l'indemnisation due aux sociétés Perrotin et Paré et compagnie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel, qui a fixé l'indemnisation toutes causes confondues devant revenir aux sociétés Perrotin et Paré et compagnie, n'avait pas à déroger aux règles fixées par l'article 1153-1 du code civil ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le quatrième moyen, ci-après annexé :

Attendu que les premier et deuxième moyens étant rejetés, le moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence est sans objet ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Entreprise Perrotin et la société Entreprise Paré et compagnie aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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