mercredi 28 mai 2014

Limites du devoir de conseil du banquier

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 13 mai 2014
N° de pourvoi: 13-13.843
Non publié au bulletin Rejet

M. Espel (président), président
SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Ghestin, SCP Marc Lévis, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 3 décembre 2012), que M. et Mme X... ont, par acte notarié, contracté auprès de la société Banque populaire Lorraine Champagne (la banque) un emprunt de 92 000 euros, garanti par une hypothèque sur un bien immobilier à usage d'habitation, une partie de la somme étant destinée à régulariser le compte débiteur ouvert dans les livres de la banque au nom de la société Wam'autos dont M. X... était le gérant ; que les emprunteurs étant défaillants, la banque leur a fait délivrer des commandements valant saisie du bien puis les a assignés en vente forcée et en paiement ; que M. et Mme X... se sont opposés à cette procédure et ont demandé des dommages-intérêts en invoquant divers manquements de la banque ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant à voir dire la banque responsable pour défaut de conseil et de mise en garde et soutien abusif de la société Wam'autos et à sa condamnation au paiement de dommages-intérêts devant se compenser avec la créance de remboursement du prêt litigieux, alors, selon le moyen :

1/ qu'il appartient à l'établissement de crédit ayant accordé un prêt à un client non averti de justifier avoir satisfait à son obligation de mise en garde au regard de ses capacités financières et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'en reprochant toutefois à M. et Mme X... de ne pas avoir établi le manquement par la banque à son obligation de conseil et de mise en garde, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil ;

2/ que manque à son devoir envers son client l'établissement de crédit qui consent un prêt dont les charges sont excessives au regard de la modicité des ressources de l'emprunteur, sans l'avoir mis en garde sur l'importance de l'endettement résultant de l'octroi de ce prêt ; que les capacités financières de l'emprunteur s'entendent des revenus réguliers permettant de faire face aux charges de l'emprunt et non de son patrimoine qui n'a pas vocation à permettre le règlement des mensualités ; qu'en l'espèce la cour d'appel a considéré que l'octroi du prêt de 92 000 euros aux époux X... n'était pas disproportionné dès lors qu'ils étaient propriétaires de leur maison d'habitation « dont la valeur se trouve en adéquation avec la somme empruntée » ; qu'en statuant de la sorte sans rechercher si les époux X... disposaient de revenus leur permettant de faire face aux échéances périodiques de remboursement du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

3/ que, de surcroît, la cour d'appel a ordonné l'adjudication de la maison d'habitation des époux X... sur la mise à prix de 80 000 euros ; qu'en affirmant néanmoins que la valeur de la maison était « en adéquation avec la somme empruntée » de 92 000 euros pour en déduire que le prêt n'était pas disproportionné avec leur faculté contributive résultant de la propriété de cette maison, la cour d'appel n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences qui en résultaient qui établissaient que la valeur du bien immobilier grevé d'hypothèque au profit de la banque était inférieure à la somme empruntée et elle a violé de ce chef l'article 1147 du code civil ;

4/ que le caractère excessif du prêt s'apprécie au regard des revenus de l'emprunteur et de ses charges ; qu'en se bornant à relever que les époux X... ne prouvaient pas que la société Wam autos dont M. X... était le gérant était dans une situation délicate et que leur propre situation était désespérée sans rechercher s'ils disposaient, à la date de l'octroi du prêt, de revenus suffisants pour assumer les échéances de remboursement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

5/ que M. et Mme X... indiquaient dans leurs conclusions d'appel que le crédit qui leur avait été consenti était disproportionné à leurs facultés contributives, ce que la banque savait parfaitement puisqu'ils étaient déjà inscrits sur le fichier FICP de la Banque de France en raison de plusieurs incidents de paiement survenus pour d'autres prêts ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il appartient à l'emprunteur qui invoque le manquement de la banque à son obligation de mise en garde d'apporter la preuve de la disproportion de son engagement au regard de ses capacités financières ou du risque d'endettement né de l'octroi du crédit ; que l'arrêt relève, tant par motifs propres qu'adoptés, que M. et Mme X... étaient, au moment de l'octroi du prêt, propriétaires d'un immeuble d'habitation dont la valeur se trouvait en adéquation avec la somme empruntée, faisant ressortir que, même si le montant de la mise à prix fixé pour la vente forcée de ce bien n'était pas strictement équivalent à celui du prêt, celui-ci était néanmoins adapté à leurs capacités financières ; qu'ainsi, c'est par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve et n'était tenue, ni de procéder à la recherche, devenue inopérante, visée aux deuxième et quatrième branches, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a estimé que le crédit litigieux n'était pas disproportionné aux facultés contributives de M. et Mme X... ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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