mardi 13 mai 2014

Le « Palais du Grand Paris »

Le « Palais du Grand Paris »

La Cour administrative d'appel de Paris statuant en formation plénière a validé le montage juridique du nouveau palais de justice des Batignoles (arrêt du 3 avril 2014). Or les spécialistes du droit public que nous avons consultés considèrent qu'il serait illusoire de poursuivre devant le Conseil d'État.

C'est pourquoi, après avoir soutenu l'action de l'Association de la « Justice dans la cité » initiée par le bâtonnier Bernard du Granrut, puis rejointe par Robert Badinter et dirigée par Cyril Bourayne, nous n'avons plus d'autre choix que de participer, enthousiastes, au projet de nouveau palais de justice qui doit se mettre en place avec le barreau de Paris. Car il s'agit d'inscrire notre exercice d'avocat futur au cœur de ce qui devra être le plus moderne, le plus grand et le plus beau palais de justice du monde.

Pour cela acceptons de faire le deuil de ce que représente l'île de la Cité pour la justice depuis 1.500 ans, renonçons aux espaces aménageables dans les combles ou les sous-sols du palais et aux mètres carrés libérés par la PJ quai des Orfèvres, ou par l'APHP à l'Hôtel Dieu... et dessinons ensemble le palais des cent ans qui viennent (personne n'oserait se projeter à l'horizon des mille ans, en voulant faire aussi bien que les souverains successifs qui, depuis l'un des derniers empereurs romains, Julien l'Apostat, puis jusqu'à l'architecte Duc qui en fut le dernier grand maître d'œuvre sous Napoleon III, ont bâti le Palais de la Cité).

Soutenons d'abord l'urbanisme dans lequel évoluera ce palais. Dans le « Grand Paris », la tour du nouveau palais (près de 200 mètres) sera aussi centrale et visible que la tour du Bonbec (40 mètres) l'était pour l'île de la Cité. De plus elle inaugurera la perspective Nord/Sud du grand Paris avec l'Arc de triomphe en épicentre, complétant ainsi le célèbre axe Est/Ouest qui va du Louvre à la Défense et jusqu'à Versailles.

Ensuite l'architecture. Faisons confiance au maître d'œuvre de Beaubourg ? La tour qu'il a conçue est à l'opposé des palais construits sur le mode des temples antiques. On y accédait par de majestueux escaliers pour se soumettre, le souffle coupé, à la justice expiatoire... tandis qu'au contraire, on sera demain partenaire d'une justice participative - ce qui suppose d'aplanir les escaliers par une dalle où l'espace intérieur ne sera rien d'autre que le prolongement de l'espace extérieur.

Ce n'est plus la justice aux « yeux bandés » mais le symbole de la « transparence » avec un mur de verre à franchir. C'est ce qu'a prévu Renzo Piano.

Malheureusement à l'intérieur du futur palais, une estrade est préservée : celle du parquet. Par ailleurs les murs porteurs ont été conçus entre les salles d'audience, de telle sorte que les procès de masse ne pourront s'y dérouler, faute d'aménagement possible d'une immense chambre correctionnelle...

Enfin, pourquoi ne pas demander ce dont nous avons besoin et l'obtenir ? Un étage de la tour, de près de 1.000 m², nous sera dédié. Par ailleurs nous aurons notre MOdA, Maison de l'Ordre des Avocats, de 6.000 m² sur la dalle dont Renzo Piano nous a déjà livré de magnifiques plans et esquisses. Nous financerons l'opération par la vente de l'immeuble de la rue du Jour et peut-être aussi par celle du 9/11 place Dauphine, tandis que nous conserverons l'actuelle Maison du barreau et que nous voudrions maintenir l'Ordre dans le vieux palais qui continuera d'abriter la Cour - puisque Paris est un barreau de Cour. Alexandre Moustardier, MCO, pilotera l'ensemble du projet que nous suivrons personnellement.

Il ne s'agit donc pas de quitter, définitivement, le palais de l'île de la Cité, mais de se projeter vers ce que la Chancellerie appelle la justice du 21e siècle sur un site à la hauteur de nos ambitions. Alors, comme on n'abandonnera jamais l'amour et l'esthétique des vieux gréements, fiers de notre nouveau « Palais du Grand Paris » (il faut abandonner le terme « Batignolles », trop réducteur), nous continuerons pour l'Ordre et pour la Cour, à tenir la barre, sur l'île de la Cité. Notre métier s'exercera désormais en haut d'une tour et nous serons fiers du « Palais du Grand Paris »! Votre Conseil de l'Ordre s'engage à y mettre toute son énergie créatrice...


Pierre-Olivier Sur et Laurent Martinet,
bâtonnier et vice-bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris

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