mercredi 28 mai 2014

L'arrêt de principe sur la responsabilité du "diagnostiqueur-amiante"

Voir notes :

- Pérot, Dictionnaire permanent « construction et urbanisme», bulletin, juin-juillet 2014, p. 13
- Sizaire, Revue « CONSTRUCTION URBANISME », 2014, n° 7, p. 30.
- Bugnicourt, RLDC juillet-août 2014, p. 24.
- Mekki, Gaz. Pal. 2014, n° 190, p. 21.
- Syed-Nasir, Dictionnaire permanent « assurances », bulletin n° 239, août-septembre 2014, p. 19.
- P. Brun, RLDC sept. 2014, n° 118, p. 92.
- Stoffel-Munck, SJ G 2014, p. 2337.

Voir aussi : cass. : 99-21.764 (termites), 10-10.503 (amiante).

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 21 mai 2014
N° de pourvoi: 13-14.891
Publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
Me Copper-Royer, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Donne acte à la société Augry Eps du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme X... ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 décembre 2012), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3, 5 juillet 2011, pourvoi n° 10-23. 535 [VOIR CI-DESSOUS]), que M. et Mme X...ont vendu une maison d'habitation à Mme Y... ; qu'un diagnostic amiante, mentionnant la présence d'amiante uniquement dans la couverture en fibro-ciment du garage, a été réalisé par la société Augry Eps avant la signature de l'acte authentique ; qu'invoquant, après expertise, la présence d'un matériau amianté dans la maison, Mme Y... a assigné M. et Mme X...qui ont appelé en garantie la société Augry Eps ;

Attendu la société Augry Eps fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme Y... le coût des travaux de suppression de l'amiante, alors, selon le moyen :

1°/ que le diagnostiqueur n'est tenu de procéder qu'à un examen visuel des lieux accessibles sans travaux destructifs, des explorations complémentaires ne s'imposant à lui qu'en cas de doute ; qu'en imputant à faute à la société Augry Eps de ne pas avoir utilisé des poinçons qui auraient endommagé les lieux, sans relever l'existence de circonstances particulières qui auraient dû l'amener à concevoir un doute sur la présence d'amiante dans les cloisons, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'annexe n° 1, traitant des modalités de repérage des produits et matériaux contenant de l'amiante, de l'arrêté du 22 août 2002 relatif aux consignes générales de sécurité du dossier technique amiante, au contenu de la fiche récapitulative et aux modalités d'établissement du repérage, pris pour l'application de l'article 10-3 du décret n° 96-97 du 7 février 1996 et de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que la société Augry Eps faisait valoir que les époux X...n'avaient « nullement indiqué la présence de la trappe d'accès aux combles » et surtout qu'ils ne lui avaient pas fourni les moyens d'y accéder ; qu'en jugeant que la société Augry Eps avait commis une faute en n'en examinant pas les combles et en ne soulevant pas à cette occasion la laine de verre posée sur le plafond, sans répondre à ce moyen essentiel des conclusions de la société Augry Eps, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le diagnostiqueur n'est tenu de procéder qu'à un examen visuel des lieux accessibles sans travaux destructifs, des explorations complémentaires ne s'imposant à lui qu'en cas de doute ; qu'en jugeant que la société Augry Eps aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle en ne soulevant pas la laine de verre posée sur le sol une fois arrivée dans les combles, quand un tel examen dépassait le cadre des obligations pesant sur l'entreprise de diagnostic, la cour d'appel a violé l'annexe n° 1, traitant des modalités de repérage des produits et matériaux contenant de l'amiante, de l'arrêté du 22 août 2002 relatif aux consignes générales de sécurité du dossier technique amiante, au contenu de la fiche récapitulative et aux modalités d'établissement du repérage, pris pour l'application de l'article 10-3 du décret n° 96-97 du 7 février 1996 et l'article 1382 du code civil ;

4°/ qu'en toute hypothèse, la faute commise par la personne chargée d'effectuer un diagnostic relatif à la présence d'amiante dans un immeuble n'engage pas sa responsabilité s'il n'en est résulté aucun dommage ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'« il n'est pas démontré la diminution de valeur invoqué par Mme Y... pas plus que la réalité de la perte de chance de faire l'objet d'une réduction du prix de vente » ; qu'en condamnant néanmoins la société Augry Eps à payer à Mme Y... la somme de 45 637, 09 euros en réparation du préjudice que lui aurait causé l'erreur de diagnostic imputée à l'exposante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du code civil ;

5°/ qu'en toute hypothèse, seul un préjudice certain est sujet à réparation ; qu'en l'espèce, la société Augry Eps faisait valoir qu'il n'existait aucun danger sanitaire pour les occupants et que la réglementation en vigueur n'imposait pas le retrait des matériaux amiantés découverts dans l'immeuble ; qu'en condamnant « la société Augry Eps à payer à Mme Y... la somme de 45 637, 09 euros correspondant au coût des travaux mis en oeuvre pour supprimer l'amiante », sans établir le préjudice certain lié à la présence d'amiante ou à l'obligation de procéder aux travaux de désamiantage qu'elle visait à réparer, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant exactement retenu que le contrôle auquel devait procéder le diagnostiqueur n'était pas purement visuel, mais qu'il lui appartenait d'effectuer les vérifications n'impliquant pas de travaux destructifs et constaté que la société Augry Eps n'avait pas testé la résistance des plaques, ni accédé au comble par la trappe en verre située dans le couloir, la cour d'appel a pu en déduire que cette société avait commis une faute dans l'accomplissement de sa mission ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que du fait de la présence d'amiante dans les murs et le plafond de la pièce principale de l'immeuble, il n'était pas possible de procéder à des travaux sans prendre des mesures particulières très contraignantes et onéreuses, tant pour un simple bricolage que pour des travaux de grande envergure et qu'il fallait veiller à l'état de conservation de l'immeuble, afin d'éviter tout risque de dispersion de l'amiante dans l'air, la cour d'appel, qui a caractérisé la certitude du préjudice résultant de la présence d'amiante, a pu en déduire que le préjudice de Mme Y... correspondait au coût des travaux de désamiantage ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Augry Eps aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Augry Eps à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Augry Eps ;

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Et voici l'arrêt précédent, rendu par la Cour de cassation dans cette même affaire :

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 5 juillet 2011
N° de pourvoi: 10-23.535
Non publié au bulletin Cassation

M. Lacabarats (président), président
Me Copper-Royer, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1641 du code civil ;

Attendu que pour débouter Mme X... de son action estimatoire relative à l'achat de l'immeuble des époux Y..., l'arrêt retient que la présence d'amiante sur les murs et le plafond de la partie ancienne de leur immeuble constituait un vice caché, mais que ce vice ne rendait pas l'immeuble impropre à sa destination en l'absence de projet de travaux d'envergure de la part de Mme X... et qu'aucun élément ne permettait de retenir que les époux Y... en étaient informés, l'exercice de la profession de pompier par M. Y... remontant à plus de cinquante ans auparavant, à une époque où les problèmes dus à la présence d'amiante dans les matériaux de construction n'étaient pas d'actualité ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à exclure que la chose vendue ait été impropre à l'usage auquel elle était destinée et que les vendeurs aient pu avoir connaissance des vices constatés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;

Condamne les époux Y... et la société Augry EPS aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y... et la société Augry EPS à payer à Mme X..., divorcée Z..., la somme de 2 500 euros ; rejette les demandes des époux Y... et de la société Augry EPS ;

6 commentaires :

  1. Voir note Pérot, Dictionnaire permanent « construction et urbanisme», bulletin, juin-juillet 2014, p. 13

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  2. Voir note Sizaire, Revue « CONSTRUCTION URBANISME », 2014, n° 7, p. 30.

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  3. Voir note Bugnicourt, RLDC juillet-août 2014, p. 24.

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  4. Voir note Mekki, Gaz. Pal. 2014, n° 190, p. 21.

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  5. Voir note Syed-Nasir, Dictionnaire permanent « assurances », bulletin n° 239, août-septembre 2014, p. 19.

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  6. Voir note P. Brun, RLDC sept. 2014, n° 118, p. 92.

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