mercredi 10 avril 2024

Lorsque les parties ont accompli l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, elles n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 mars 2024




Annulation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 191 FS-B

Pourvoi n° P 21-19.761






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MARS 2024


Mme [U] [J], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-19.761 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2021 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4], dont le siège est [Adresse 2], représenté par son syndic, la société L'Immobilière des Hautes-Alpes, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société L'Immobilière des Hautes-Alpes, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [J], de la SCP Gury & Maitre, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] et de la société L'Immobilière des Hautes-Alpes, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mmes Grandemange, Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mme Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 mars 2021), Mme [J] a relevé appel d'un jugement rendu dans une instance l'opposant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] et à la société L'Immobilière des Hautes-Alpes.

2. Par ordonnance du 6 octobre 2020, un conseiller de la mise en état a constaté la péremption de l'instance.

3. Mme [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt ayant confirmé l'ordonnance déférée.

4. Le président de la conférence des premiers présidents de cours d'appel, le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5] et le président du Conseil national des barreaux ont, en application des articles L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire et 1015-2 du code de procédure civile, déposé chacun une note écrite et les deux derniers ont été entendus à l'audience publique du 19 décembre 2023.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Mme [J] fait grief à l'arrêt de juger que l'instance d'appel est périmée, alors « que lorsque les parties ont accompli l'ensemble des diligences mises à leur charge par les articles 908 et 909 du code de procédure civile, la cour d'appel est tenue de procéder à la fixation de l'affaire sans qu'elles aient à la requérir ni à accomplir une quelconque autre diligence ; que dès lors, le délai nécessaire à la fixation de l'affaire, qui est de la seule responsabilité de la juridiction, ne peut être sanctionné par une mesure de péremption qui ne préjudicie qu'aux parties ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 386 du code de procédure civile, 6, § 1, et 13 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

6. Aux termes du troisième de ces textes, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

7. Aux termes du deuxième, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.

8. Selon le quatrième de ces textes, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe. Selon le cinquième, l'intimé dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

9. Selon le sixième, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

10. Selon le dernier de ces textes, le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l'affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l'article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l'avis des avocats.

11. Jusqu'à présent, la Cour de cassation jugeait, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, d'une part, que la péremption de l'instance d'appel est encourue lorsque, après avoir conclu en application des articles 908 et 909 du code de procédure civile, les parties n'ont pas pris d'initiative pour faire avancer l'instance ou obtenir du conseiller de la mise en état la fixation, en application de l'article 912 du code de procédure civile, des débats de l'affaire (2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27.917, Bull. 2016, II, n° 281), d'autre part, que la demande de la partie appelante adressée au président de la formation de jugement en vue, au motif qu'elle n'entend pas répliquer aux dernières conclusions de l'intimé, de la fixation de l'affaire pour être plaidée, interrompt le délai de péremption de l'instance mais ne le suspend pas (2e Civ., 1er février 2018, pourvoi n° 16-17.618, Bull. 2018, II, n° 20).

12. Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette jurisprudence.

13. En effet, postérieurement à l'arrêt précité du 16 décembre 2016, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a inséré, dans le code de procédure civile, un nouvel article 910-4 qui impose aux parties, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

14. Lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état.

15. À cet égard, il ressort des auditions réalisées sur le fondement de l'article 1015-2 du code de procédure civile auxquelles il a été procédé ainsi que des documents transmis en application de l'article L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire que la demande de fixation de l'affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d'appel saisie se trouve dans l'impossibilité, en raison de rôles d'audience d'ores et déjà complets, de fixer l'affaire dans un délai inférieur à deux ans.

16. Il en découle que lorsque le conseiller de la mise en état n'a pas été en mesure de fixer, avant l'expiration du délai de péremption de l'instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption.

17. Il résulte de la combinaison de ces textes, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière.

18. L'arrêt relève qu'aucune diligence n'a été accomplie par l'une ou l'autre des parties depuis le 18 octobre 2016.

19. Si c'est conformément à la jurisprudence rappelée au paragraphe 11 que la cour d'appel en a déduit que la péremption était acquise, le présent arrêt qui opère revirement de jurisprudence, immédiatement applicable en ce qu'il assouplit les conditions de l'accès au juge, conduit à l'annulation de l'arrêt attaqué.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 4] et la société L'Immobilière des Hautes-Alpes aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille vingt-quatre. ECLI:FR:CCASS:2024:C200191

Dol - La conscience qu'avait l'assurée du caractère inéluctable du dommage ne se confond pas avec la conscience du risque d'occasionner le dommage,

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 mars 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 228 F-B

Pourvoi n° G 22-18.426






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MARS 2024

Mme [N] [F], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 22-18.426 contre l'arrêt rendu le 5 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [F], de la SCP Duhamel, avocat de la société Allianz IARD, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 avril 2022), Mme [F], qui exploite une ferme pédagogique où elle exerce également en qualité de dompteuse de fauves, a assuré ses activités auprès de la société Allianz IARD (l'assureur).

2. Le 21 septembre 2013, alors que Mme [F] était absente, Mme [J], bénévole de l'exploitation non formée aux soins requis par des animaux sauvages, a été grièvement blessée par un tigre.

3. Mme [F] a été déclarée coupable des faits de blessures involontaires avec incapacité supérieure à 3 mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence, ainsi que d'exploitation irrégulière d'établissement détenant des animaux non domestiques.

4. L'assureur ayant refusé sa garantie en se prévalant d'une faute dolosive de Mme [F], celle-ci l'a assigné afin d'obtenir sa condamnation à la garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre au titre du sinistre.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [F] fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a commis une faute dolosive retirant tout caractère aléatoire au risque de survenue de l'accident du 21 septembre 2013, de la débouter en conséquence de sa demande de garantie au titre du sinistre en exécution du contrat d'assurance et de juger que l'assureur n'a pas à garantir le dommage corporel dont a été victime Mme [J], alors « que la faute dolosive de l'assuré justifiant l'exclusion de la garantie de l'assureur suppose un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable du dommage ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt correctionnel, cité par l'arrêt attaqué, que l'initiative de la victime est « la cause directe de l'accident sans laquelle celui-ci n'aurait pas eu lieu », que l'absence de l'assurée, qui avait laissé à la victime, non formée et seule sur le site, la surveillance des fauves, a contribué, « en dépit des consignes rappelées à la victime » à créer une situation « propice à une imprudence » ; que l'arrêt attaqué en déduit que « ce manquement » de l'assurée « a eu pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque » et qu'« en laissant à Mme [J] (la victime) seule la surveillance des fauves, Mme [F] (l'assurée) a commis une omission délibérée dont elle ne pouvait ignorer la survenance d'un dommage » ; que pourtant le manquement délibéré à l'obligation de prudence et de sécurité, tel qu'il est reproché à l'assurée par les constatations de fait propres à l'arrêt attaqué et reprises de l'arrêt correctionnel, ne rendait pas inéluctable la réalisation du risque causé par l'initiative de la victime, ne suffit pas à établir la conscience qu'avait l'assurée qu'il surviendrait tel qu'il s'est produit ni à exclure tout aléa ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations de fait et a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances :

6. Selon ce texte, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

7. Au sens de ce texte, la faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.

8. Pour dire que l'assurée a commis une faute dolosive et en déduire que l'assureur n'est pas tenu à garantie, l'arrêt énonce qu'ainsi que l'a exposé le juge pénal, Mme [F] a manqué à ses obligations professionnelles, notamment déterminées par l'arrêté du 18 mars 2011 fixant les conditions de détention et d'utilisation des animaux vivants d'espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants, en considérant que si l'initiative de la victime est la cause directe de l'accident, l'absence de Mme [F], exploitante et titulaire du certificat de capacité ad hoc, accompagnée du bénévole formé aux soins des fauves, et en dépit des consignes rappelées à Mme [J], non formée à cette surveillance spécifique, restée seule sur le site, a contribué à créer une situation d'isolement, sans garde-fou, propice à une imprudence et à la réalisation de l'accident.

9. Il ajoute que selon l'arrêt correctionnel, l'omission, délibérée, de Mme [F] de respecter l'obligation qui lui était faite par l'arrêté du 18 mars 2011 précité, de déléguer en son absence à une personne compétente les opérations de surveillance des animaux, a participé, indirectement, à la réalisation du dommage.

10. Il en déduit que ce manquement est constitutif d'une faute dolosive, en ce qu'en laissant à Mme [J], seule, la surveillance des fauves, Mme [F] a commis une omission délibérée dont elle ne pouvait ignorer qu'elle entraînerait la survenance d'un dommage, et qui a eu pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de retirer au contrat d'assurance son caractère aléatoire.

11. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la conscience qu'avait l'assurée du caractère inéluctable du dommage que subirait Mme [J], qui ne se confond pas avec la conscience du risque d'occasionner le dommage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il juge que la clause d'exclusion de garantie dont la société Allianz IARD se prévaut est inapplicable faute de respecter le caractère limité exigé à l'article L. 113-1 du code des assurances, l'arrêt rendu le 5 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Condamne la société Allianz IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Allianz IARD et la condamne à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille vingt-quatre. ECLI:FR:CCASS:2024:C200228

La prescription de l'article L. 114-1 du code des assurances ne s'applique pas aux demandes d'annulation pour dol du contrat d'assurance

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 mars 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 216 F-D

Pourvoi n° Q 22-17.144




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MARS 2024

1°/ M. [K] [Z],

2°/ Mme [N] [G], épouse [Z],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° Q 22-17.144 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Axyalis patrimoine, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 1],

4°/ à la société SwissLife assurance et patrimoine, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [Z], de la SARL Ortscheidt, avocat des sociétés Axyalis patrimoine, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 8 mars 2022), M. [Z] et Mme [Z] (les souscripteurs) ont souscrit chacun, le 25 octobre 2010, un contrat d'assurance sur la vie multi-supports proposé par la société Swisslife assurance et patrimoine (l'assureur) dénommé « Selection R Oxygene », au titre duquel ils ont versé, par l'entremise de la société Axyalis patrimoine (le courtier), une certaine somme qui a été investie sur différents supports.

2. Par avenant du 21 décembre 2010 et bulletin d'arbitrage du 4 février 2011, les sommes ont été réinvesties sur un nouveau support financier. Un versement complémentaire a été effectué le 3 mars 2011 par Mme [Z].

3. Après un rachat partiel effectué par chacun d'eux le 17 août 2011, les souscripteurs ont, le 18 juin 2014, réinvesti une certaine somme sur un autre support.

4. Les 28 et 29 janvier 2016, M. et Mme [Z] ont assigné l'assureur ainsi que le courtier et ses assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, devant un tribunal de grande instance aux fins d'annulation des différents arbitrages et de remboursement des sommes versées sur les supports choisis.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche et le deuxième moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. Les souscripteurs font grief à l'arrêt de dire irrecevables comme prescrites les demandes de nullité des avenants des 21 décembre 2010, 15 mars 2011 et 24 août 2011 et de dommages et intérêts les concernant, ainsi que celles portant sur la responsabilité du courtier, et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et de l'assureur, alors « que l'action en nullité d'un contrat d'assurance fondée sur des causes de nullité autres que celles qui intéressent la déclaration des risques est soumise à la prescription quinquennale de droit commun ; qu'en l'espèce, leur action était fondée à titre principal sur le dol de l'assureur qui leur avait sciemment dissimulé des informations lors de la conclusion des divers avenants aux termes desquels ils avaient formalisé des arbitrages dont ils n'étaient pas en mesure de comprendre ni les mécanismes ni les implications ; qu'en disant cependant prescrites en raison de l'écoulement du délai de prescription biennale ayant couru selon elle à compter de l'avenant du 1er février 2011, les demandes formulées par eux selon assignation du 28 janvier 2016 invoquant la nullité pour dol des avenants des 21 décembre 2010, 15 mars 2011 et 24 août 2011 et la responsabilité du courtier et de l'assureur, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 114-1 du code des assurances, ensemble, par refus d'application, l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1116 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 114-1 du code des assurances :

7. Aux termes du premier de ces textes, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

8. Selon le deuxième, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

9. Selon le dernier, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
10. L'action en nullité du contrat d'assurance ou de ses avenants, fondée sur le dol de l'assureur ou de son mandataire, qui repose sur l'existence de manoeuvres pratiquées avant la conclusion du contrat, ne dérive pas du contrat d'assurance, au sens de ce dernier texte.

11. Pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de nullité des avenants au contrat d'assurance sur la vie souscrits les 21 décembre 2010, 15 mars 2011 et 24 août 2011, fondées sur le dol du courtier, l'arrêt retient que les souscripteurs ont assigné l'assureur les 28 et 29 janvier 2016, soit après l'expiration du délai de prescription biennale.

12. En statuant ainsi, alors que la prescription prévue à l'article L. 114-1 du code des assurances ne s'applique pas aux demandes d'annulation pour dol du contrat d'assurance et de ses avenants, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de nullité des avenants des 21 décembre 2010, 15 mars 2011 et 24 août 2011 et de dommages et intérêts les concernant, l'arrêt rendu le 8 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne les sociétés Swisslife assurance et patrimoine, Axyalis patrimoine, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Axyalis patrimoine, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et les condamne, ainsi que la société Swisslife assurance et patrimoine, à payer à M. et Mme [Z] la somme globale de 3 000 euros ;




Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C200216

Accident de chantier - garde - causalité et pouvoirs du juge des référés

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 mars 2024




Rejet


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 218 F-D


Pourvois n°
Q 22-15.971
W 22-18.070 Jonction






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MARS 2024

I. La société Martin & Martin, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 22-15.971 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [E] [K], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la société Pacifica, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],

3°/ à la Mutualité sociale agricole, dont le siège est [Adresse 1],

4°/ au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

II. Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages a formé le pourvoi n° W 22-18.070 contre le même arrêt, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Martin & Martin, société à responsabilité limitée,

2°/ à M. [E] [K],

3°/ à la société Pacifica, société anonyme,

4°/ à la Mutualité sociale agricole,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse au pourvoi n° Q 22-15.971 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le demandeur au pourvoi n° W 22-18.070 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de la société Martin & Martin, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Pacifica, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Q 22-15.971 et W 22-18.070 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 mars 2022), un accident est survenu le 6 novembre 2019 sur un chantier de réfection de clôture, confié à la société Martin & Martin (la société).

3. L'engin Bobcat équipé d'un godet transportant du béton et piloté par un salarié de la société a basculé, blessant M. [K] et M. [S] qui étaient chargés de positionner les poteaux autour desquels le béton devait être versé.

4. M. [K] a assigné en référé la société sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, aux fins d'obtenir la désignation d'un expert ainsi que le versement d'une provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, en présence de la mutualité sociale agricole et du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO).

5. La société Martin & Martin a attrait en la cause son assureur, la société Pacifica.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche et sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches, du pourvoi n° 22-15.971 formé par la société, et sur le moyen du pourvoi n° 22-18.070 formé par le FGAO, pris en ses troisième à cinquième branches

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi n° 22-15.971, pris en sa seconde branche et sur le moyen du pourvoi n° 22-18.070, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

7. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [K] la somme de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice et d'ordonner une mesure d'expertise, alors que « en toute hypothèse, le juge des référés ne peut accorder au créancier une provision que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable et que la question de savoir si l'engin de chantier à l'origine du dommage assumait au moment de l'accident une fonction de déplacement ou une fonction d'outil, obligeait le juge à procéder à une opération de qualification juridique complexe relative à la portée de la loi du 5 juillet 1985, de sorte qu'elle constituait une contestation sérieuse faisant obstacle au versement d'une provision ; qu'en tranchant pourtant cette contestation sérieuse, la cour d'appel qui statuait en référé a violé l'article 835 du code de procédure civile. »

8. Le FGAO fait grief à l'arrêt de condamner la société à payer à M. [K] la somme de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, alors :

« 1°/ que le président du tribunal judiciaire ne peut, en référé, accorder une provision au créancier que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que, par ailleurs, s'agissant des accidents impliquant un véhicule outil, la loi du 5 juillet 1985 n'est pas applicable lorsque le véhicule est immobile et qu'est seule en cause dans la survenance de l'accident un élément étranger à la fonction de déplacement de ce véhicule ; qu'en retenant, pour faire droit à la provision sollicitée par M. [K] sur le fondement de la cette loi, que l'accident était dû à la conjonction de la vitesse de cet engin et de son arrêt brutal alors qu'il portait haut un godet en surcharge, cependant qu'elle relevait que d'autres éléments produits aux débats et invoqués par les défendeurs faisaient état d'un véhicule à l'arrêt et d'un basculement de l'engin au moment de déverser le béton, ce dont il résultait que les circonstances de l'accident étaient indéterminées, la cour d'appel, qui a fait application de la loi du 5 juillet 1985, a ainsi tranché une contestation sérieuse et méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile et l'article 1er de la loi susvisée ;

2°/ que le président du tribunal judiciaire ne peut, en référé, accorder une provision au créancier que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'un doute ou une incertitude sur le bien-fondé de la demande suffit à caractériser une contestation sérieuse ; qu'en retenant, pour accorder la provision sollicitée, qu'« aucune certitude ne permet d'affirmer » qu'était seul en cause dans l'accident un élément de l'engin étranger à sa fonction de déplacement, la cour d'appel a exigé que le bien-fondé de la contestation soit établi avec certitude, lorsque le simple doute sur la condition d'application de la loi du 5 juillet 1985 sur laquelle M. [K] fondait sa demande suffisait à caractériser l'existence d'une contestation sérieuse, méconnaissant ainsi l'étendue de ses pouvoirs, en violation de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel, après avoir rappelé les déclarations divergentes du conducteur de l'engin de chantier, d'une part, selon lesquelles celui-ci était à l'arrêt lorsqu'il a basculé, et celles des victimes, d'autre part, qui ont indiqué que l'engin était arrivé vers elles à vive allure avant de basculer sur elles, a procédé à l'analyse du rapport d'expertise dressé à la demande de la société Pacifica.

10. Elle a noté que ce rapport conclut que le versement de l'engin de chantier est consécutif à son déplacement, sa vitesse et son arrêt brutal et qu'il explique que la charge pour le basculement en position statique n'était pas atteinte, qu'il n'y avait pas de dénivellation à l'endroit de l'accident, et que l'engin avait basculé alors que le godet était à la hauteur maximale, ce dont il découlait que le versement de l'engin résultait d'un mouvement dynamique et d'un transfert de masse.

11. La cour d'appel a relevé que ces éléments techniques corroboraient les déclarations des victimes sur les circonstances de l'accident.

12. Elle a déduit de l'ensemble de ces constatations que la cause de l'accident résidait dans la vitesse et l'arrêt brutal de la chargeuse portant haut un godet en surcharge et non par le godet en tant qu'élément d'équipement étranger à la fonction de déplacement du véhicule.

13. Ayant ainsi fait ressortir, dans l'exercice de ses pouvoirs de juge des référés, que l'accident avait été causé par le Bobcat alors qu'il était utilisé dans sa fonction de déplacement, elle a pu en déduire que l'obligation pesant sur la société de réparer les conséquences de cet accident n'était pas sérieusement contestable.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Martin & Martin aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Martin & Martin et la condamne ainsi que le FGAO à payer à la société Pacifica la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C200218

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 mars 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 220 F-D

Pourvoi n° A 22-19.477







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MARS 2024

M. [R] [X], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 22-19.477 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), sur renvoi après cassation, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [E] et associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, 20 place de Verdun, 13616 Aix-en-Provence,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [X], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société [E] et associés, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 avril 2022), rendu après cassation (2e chambre civile, 10 juin 2021, pourvoi n° 19-20.814), à l'occasion d'une procédure de divorce, Mme [L] a confié la défense de ses intérêts, d'une part, à M. [X], avocat, d'autre part, à la société d'avocats [E] et associés (la société [E]). Une convention d'honoraires a été signée le 27 janvier 2010 entre Mme [L], M. [X] et la société [E] prévoyant un honoraire de résultat attribué pour 30 % à M. [X] et pour 70 % à la société [E].

2. Mme [L] a dessaisi M. [X] de son mandat le 16 avril 2010. Le divorce de M. et Mme [L] a été prononcé le 30 décembre 2011. Il a été mis fin au litige, né des conséquences patrimoniales du divorce, par une transaction entre les parties.

3. Ayant sollicité en vain de la société [E] la rétrocession de ses honoraires, M. [X] a saisi le bâtonnier de son ordre sur le fondement de l'article 179-1 du décret du 27 novembre 2011, à fin de conciliation préalable et d'arbitrage.

4. Par décision du 14 décembre 2017, le bâtonnier a ordonné à la société [E] de transmettre le montant de l'honoraire de résultat perçu avec les justificatifs comptables certifiés par son expert-comptable et les documents permettant de vérifier l'adéquation de ce montant avec la convention.

5. Par arrêt du 6 juin 2019, la cour d'appel de Lyon a déclaré M. [X] irrecevable en toutes ses demandes formées contre la société, considérant que la demande en paiement était prescrite.

6. La Cour de cassation, par l'arrêt précité, a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions, aux motifs qu'il avait fixé le point de départ de la prescription au 22 janvier 2012, sans constater qu'à cette date l'honoraire de résultat avait été payé à la société [E] par Mme [L], seule circonstance rendant exigible la créance de la rétrocession d'honoraires de M. [X] à l'encontre de la société [E].

7. Désignée comme juridiction de renvoi, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a de nouveau déclaré l'action irrecevable comme prescrite.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. [X] fait grief à l'arrêt d'infirmer la décision du bâtonnier en date du 14 décembre 2017, qui ordonnait notamment à la société [E] de communiquer le montant de l'honoraire de résultat perçu avec les justificatifs comptables certifiés par son expert-comptable et les documents permettant de vérifier l'adéquation de ce montant avec la convention et, statuant à nouveau, de déclarer son action irrecevable comme prescrite, alors « que la prescription d'une action ne peut courir qu'à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître l'ensemble des faits lui permettant de l'exercer ; que le seul paiement effectué par Mme [L] à la société [E] ne pouvait faire courir un délai de prescription contre M. [X] s'il n'était pas connu de ce dernier ; que M. [X] faisait valoir qu'il n'avait pas eu connaissance du paiement effectué par M. [L] à la société [E] avant que cette dernière ne communique, le 15 février 2022, le constat d'huissier du 17 mars 2021 établissant un règlement par Mme [L] le 27 mars 2012 ; qu'en faisant courir la prescription du jour du paiement effectué par Mme [L] sans rechercher à quelle date M. [X] en avait eu connaissance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil :

9. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

10. Pour déclarer prescrite la demande de M. [X], l'arrêt relève d'abord que le courrier électronique adressé le 22 janvier 2012 par M. [X] à son confrère M. [E], lui indiquant avoir appris que le divorce était terminé par une transaction et que le temps lui semblait venu de faire leurs comptes révèle la connaissance par le demandeur de l'exigibilité de la créance d'honoraires par les avocats sur la cliente et que l'exigibilité de la créance de l'avocat vis-à-vis de son confrère est constituée par le paiement des honoraires par le client, établi par le procès-verbal d'huissier de justice dressé le 17 septembre 2021 dont les termes justifient d'un règlement total.

11. L'arrêt retient ensuite que le point de départ du délai de prescription n'est pas la date à laquelle l'intéressé a eu connaissance de l'exigibilité de la créance, par la transmission de la pièce en justifiant, mais celle de l'exigibilité elle-même et en déduit que le point de départ du délai de prescription quinquennale doit être fixé au 27 mars 2012, date du règlement de la créance par Mme [L].

12. En se déterminant ainsi, en faisant courir la prescription du jour du paiement effectué par la cliente sans rechercher à quelle date M. [X] en avait eu connaissance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société [E] et associés aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [E] et associés et la condamne à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C200220

Epidémie et notion d'exclusion formelle et limitée

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 mars 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 235 F-D

Pourvoi n° M 22-21.695




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MARS 2024

La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 22-21.695 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société July, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société July, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 juin 2022) et les productions, la société July, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 28 février 2019 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » garantissant notamment les pertes d'exploitation.

2. À la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décrets des 14 avril et 11 mai 2020, et à la suite encore du décret du 29 octobre 2020 ayant le même objet, la société July a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre, en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

4. La société July a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce, à fin de garantie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui est irrecevable.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit garantir la société July des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19 et de le condamner au paiement de la somme de 90 000 euros à titre provisionnel ainsi qu'à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat, alors « que les seules clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées et qu'une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation ; que la cour d'appel constate que « les conditions particulières prévoient la clause d'exclusion suivante : « sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique » ; que pour énoncer que l'assureur ne pouvait se prévaloir de la clause d'exclusion, la cour d'appel retient que « l'exclusion de garantie figurant aux conditions particulières en ce qu'elle subordonne l'application de la garantie à l'existence d'un événement qualifié d'épidémie, sans que cette notion fasse l'objet d'une définition précise, n'est pas claire », quand la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

7. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

8. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

9. Pour dire que l'assureur doit garantir la société July des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur.

10. L'arrêt retient que l'ambiguïté de la notion d'épidémie à laquelle se réfère la clause d'exclusion démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit que celle-ci n'est pas formelle.

11. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

12. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées et qu'une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire ; que pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel retient que « l'épidémie est la propagation d'un maladie infectieuse et contagieuse à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, le sens général du terme étant inconciliable avec la possibilité qu'un seul établissement soit affecté » ; que « l'assureur ne démontre pas, à ce jour, l'existence d'un cluster relevant de l'épidémie de covid-19 limité à un seul établissement dans un département et contredisant la définition usuelle de l'épidémie » et qu'elle prive l'assuré de garantie au regard de la clause d'exclusion ; qu'en statuant ainsi quand la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

13. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

14. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

15. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt énonce qu'il est illusoire que, dans le cas d'une épidémie se caractérisant par la propagation d'une maladie contagieuse à une population étendue, une fermeture administrative puisse ne concerner qu'un unique établissement sur le ressort d'un département.

16. Il en déduit que la clause d'exclusion, qui vide de sa substance la garantie souscrite par l'assuré, en la privant d'effet en cas d'épidémie, n'est pas limitée.

17. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société July aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C200235